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Serbis
Sélection officielle - Compétition
Philippines
LES CHEVRES ET LES ANGES
« - Il a une bite énorme et j’ai une petite bouche. J’ai presque vomi. »
Personne ne peut comprendre le titre de cette critique sans avoir vu le film. Vers la fin, surgit soudainement sur la scène, devant l’écran, une chèvre, provoquant une panique chez ceux qui niquent dans le cinéma. Des gigolos, des putes, des appâts pour les pédés de Angeles, Philippines. Des chèvres.
Drôle de film que ce Serbis. Brillante Mendoza nous avait déjà donné un avant-goût de ses flirts avec l’érotisme et la prostitution dans Le Masseur. Il quitte les faubourgs pour un vaste bâtiment en centre-ville. Un immeuble dédale où les escaliers font le lien entre les espaces publics et privés. Aussi délabré que ces êtres en lambeaux. Les fourmis traînent dans la salle d’eau où l’on se baigne à même le sol, les chiottes sont bouchées et dégueulasses. Un grand cinéma ironiquement nommé Family. Car s’il héberge une vaste famille sur trois générations, il est aussi un bordel homo connu de tous et le lieu de projections de films pornos. Les titres de films sont d’ailleurs hilarants de ridicule.
Le cinéaste filme crûment, le corps comme les ébats. Les seins d’une femme, les culs des mecs, une chatte tout juste douchée, une bite secouée après avoir pissé. Les érections, fellations homos, pénétrations ne sont pas cachées. La totale, pipe + sodomie = 300 pesos. Même l’extraction du (répugnant) furoncle au (beau) cul d’Alan ne nous est pas épargné. A cause de ce furoncle le voici même obligé de baiser en missionnaire au milieu de posters de filles prêtes pour être prises en levrette.
Dans cette ville où le niveau sonore des rues agresse même le spectateur, ça hurle, ça se bat, ça court. Le huis clos est agité. Même dans l’obscurité de la salle des films cochons, on devine les ombres sensuelles se mouvoir et se mélanger. Rien n’est paisible, nulle part. Une journée au bordel est remplie de tâches ménagères. Le film est un beau tableau des petits métiers.
Mais il s’agit surtout d’une œuvre bizarre. Jusqu’à sa conclusion surprenante. Si la plupart des films cannois devrait être coupés de 15 à 30 minutes, on reprocherait presque à Mendoza d’avoir fait trop court. Il lance des pistes dans le dernier quart d’heure, mais n’a pas le temps de les exploiter. A la fois très construit - comme ce petit « yi yi » qui mate sa sœur nue au début du film fait écho au même gamin qui regarde sa grand mère d’habiller vers la fin du film - et complètement bricolé. Serbis n’a rien d’une œuvre mature, mais cette ambiance poisseuse et sexuelle qui nous rappelle les fables de Tsai Ming Liang, nous accroche sans nous ennuyer. Puis s’oublie… Un film éphémère ?
vincy
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