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The Host (Gue-mooi)
Quinzaine des réalisateurs - Compétition
Corée du sud / sortie le 22.11.2006
MONSTRES ET CIE
Imaginez un film de genre où le monstre ferait sa première apparition dans un décor de scène pastorale (pique-nique et ambiance familiale au bord de la rivière Han), exécuterait quelques tours savants sous les regards émerveillés de la foule avant de jaillir hors de l’eau pour dévorer tous ses spectateurs douloureusement surpris (et déçus) par un tel revirement. Ajoutez-y une première scène d’action filmée comme une poursuite tout droit sortie d’un Tex Avery (même virtuosité, même ton burlesque), qui, à mi-parcours, deviendrait une glaçante lutte à mort entre une créature déchaînée et de malheureux humains réduits à l’état de marionnettes démantibulées. Plutôt déconcertant, non ? Et pourtant, telle est bien la détonante séquence d’ouverture de The host, mélange improbable de série Z terrifiante et de parodie complètement loufoque.
Bong Joon-ho justifie cet étrange mélange des genres, et son refus de faire basculer le film dans un registre plutôt que dans l’autre, par le fait que la vie est ainsi, chaque événement ayant toujours deux versants parfaitement opposés. Et à la réflexion, les mésaventures pathétiques de la famille Park (guerriers de pacotille lancés dans une guerre qui les dépasse) ne sont pas incompatibles avec les exploits terrifiants de la créature. Au contraire, plus celle-ci est effrayante et cruelle, plus les tentatives désespérées des Park semblent risibles et absurdement vouées à l’échec. Avec de tels ennemis, la bestiole a de beaux jours de terreur et d’agapes devant elle.
Virtuosité et renouvellement
Pourtant, le procédé a ses limites. Alors que le monstre est plutôt réussi (tentacules interminables, queue préhensile, gueule béante s’ouvrant sur une succession d’autres orifices…), il perd peu à peu de sa crédibilité en raison des trop fréquents allers et retours entre drame et comédie. Bong Joon-ho laisse en effet peu à peu le burlesque prendre le pas sur le reste. Même ses messages socio-politiques sont brouillés par la manière malhabile dont il les délivre. La critique des Américains, qui non contents d’être les créateurs du monstre, sombrent dans la paranoïa au lieu de réagir utilement, se fait ainsi en demi-teinte, entre deux scènes, comme si le réalisateur n’assumait pas cette facette « sérieuse » de son film. L’aspect sociologique est de même restreint, tant on a du mal à s’imaginer que la famille Park puisse être représentative de qui que ce soit. Certes, on perçoit l’incongruité de leur situation (personne ne les écoute, les autorités en font l’ennemi numéro un presque avant le monstre, leur croisade est parsemée de coups de malchance), mais cela semble plutôt servir la cause burlesque qu’un éventuel message militant. C’est vrai, on aurait souhaité plus de chair et moins de ruptures de ton…
Restent l’indéniable virtuosité du film et son incroyable capacité à séduire les amateurs du genre (ravis de le voir se renouveler un peu) tout comme les néophytes, soulagés de se laisser porter par une intrigue bien construite qui ne mise pas tout sur les effets spéciaux et les scènes d'épouvante.
MpM
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