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Le Labyrinthe de Pan (El Laberinto del fauno)

Sélection officielle - Compétition
Mexique / sortie le 01.11.06


LA DERAISON DU PLUS FORT





"- Ici les maisons sont vieilles. Elles grincent. C'est comme si elles parlaient."

Un labyrinthe par définition est un lieu mythique, où l'on s'égare, initiatique, où l'on s'y trouve. Ludique et fantastique. Guillermo del Toro a réalisé une épopée qui est la face sombre d'un Harry Potter, un univers ou Peter Pan et Alice au pays des merveilles se croiseraient dans les enfers. La belle affronte la bête. Ophélie est Orphée. Et la pine du Diable va concevoir l'innocent suprême à sauver. Il y a tellement de thèmes dans ce Labyrinthe qu'on vous laissera les découvrir.
Le conte de fée prend racine dans une dualité : la monstruosité d'un régime tyrannique (ici Franco) et la Nature dans toute sa splendeur. Pan est son symbole, ni bien ni mal. Le voyage de Chihiro auquel on pense dès les premiers instants (mais aussi Le château ambulant avec cette guerre en arrière plan) est une évidente référence. Il était une fois une petite fille qui s'évadait dans son monde imaginaire et spirituel... pour échapper à la cruauté de son existence.
Celle-ci est incarnée autoritairement (et pour une fois, subtilement!) par Sergi Lopez. De stèles en mandragores, Del Toro nous immerge dans le cauchemar pour enfants et les fantasmes étranges d'adultes. Entre les Frères Grimm et Peter Jackson. Et là où Gilliam s'est vraiment raté, le cinéaste Mexicain s'approche davantage du talent de narrateur et de créateur de son homologue néo-zélandais. Cra finalement l'horreur est toujours liée à la réalité. Les scènes les plus explicitement violentes (parfois de la torture visuelle pour les plus sensibles, autant dire qu'il est déconseillé aux moins de 12 ans) ne sont jamais celles issues des songeries de cette gamine qui en lit trop. Elle préfère confronter ses créatures magiques aux richesses naturelles (le lait qu'on traie par exemple). Ce Labyrinthe est magnifié lorsque le réalisateur s'inspire de tableaux de Goya ou Velasquez, de cet ogre qui avale les enfants à ces paysannes qui font la cuisine. La nature n'est répugnante que lorsqu'elle illustre un des péchés humains (gourmandise, cupidité...), arrogance qui détruit l'environnement. Elle ne hurle, avec stridence, que lorsqu'on la tue.
En revanche dans son rapport au réel, le réalisateur est moins imaginatif. Plus à l'aise dans les croyances affreuses ou dorées, et ce malgré quelques effets visuels imparfaits, le film est plus classique dans son propos guerrier et historique. Jusqu'à ce moment trop convenu où le "monstre" écoute de la musique douce... Les psychoses ont toujours les mêmes conséquences dans le film de genre... Del Toro s'en sort grâce à son art du récit, ici bien main, cohérent, et emballant. Ce film baroque et naïf est hélas un peu téléphoné dans ses rebondissements - la mise en scène des séquences d'action est trop banale pour nous surprendre et nous accrocher à notre siège - et du coup, fait obstacle au déluge d'émotion attendu. Comme un beau livre d'images dont on sait d'avance la fin. Cependant, ce Toro ailé n'hésite pas à se sacrifier pour nous rappeler notre part d'enfance, nécessaire. Malheur à celui qui dire "tu grandiras et tu comprendras que le monde n'est pas un conte de fée."
Ce Guernica sauce "fantasy" est comme un peu d'Arnica sur nos plaies d'êtres blessés par la folie de nos congénères.

V.



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