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Le vent se lève (The Wind That Shakes The Barley)
Sélection officielle - Compétition
Grande-Bretagne
AUTANT EN EMPORTE NOS TOURMENTS
"S'ils viennent ici avec leur barbarie, on les attendra avec le même genre de barbarie."
Sensible, frêle, fragile, poignant. On aura rarement vu tel Cillian Murphy, tels renouvellements chez Ken Loach, telle époque dans une Irlande décapée. Eclatante tant de ses nébulosités que coups d'éclats. L'Irlande oppressée, divisée, déchirée. L'Irlande asphyxiée par ses verts territoires conquis, oxygénée par ses élans de Foi. Loach nous emporte ici au pays de l'inconditionnel.
Une histoire d'amours. D'amours et non de passions (sinon la barbarie de la guerre) du patriotisme aux liens de sang. Que d'élans réfléchis, matures, assumés, légitimes et compréhensibles si divergents et absolus soient-ils.
Lointains ? Assurément pas. Tragédiens ? En aucune façon. Ici reposera toute la force du Vent se lève, construit sur de perpétuels entrechocs, spirituels comme organique, toujours violents, sur de fermes spirales sans poser la moindre impasse. Ken Loach nous portera sans dérives épiques, le plus simplement du monde. Le plus effroyablement aussi, au fil des larmes, des cris, des feux, fumées et tortures. Au fil de ces moments de communion, de l'intimité amoureuse au débat politique. Au gré de ces voyages, de ses phases de maturation pour participer à l'Histoire avant qu'elle ne soit écrite. Irrémédiables pages que l’on se doit de marquer au fer rouge pour comprendre notre temps. Les humiliations laissent toujours des stygmates...
On regrettera malgré tout un certain manque de repères formels, notamment historiques. Quelques invites au spectateur n'auraient pas été déconvenues pour nous engloutir entièrement dans le sillage de ces descendants de ceux qu'on appela les Irish Men (équivalents des insurgés de la Révolution française). Ken Loach aura ici composé sur un entier et méconnu patrimoine épistémologique. Presque qualifierait-on cette nouvelle toile de film d'aventure – aventure ô combien généreuse - tant elle regorge de rebonds, vérités et esprit dialectique. Tant elle nous est proche et humaine, presque charnelle. Invariablement enveloppante. Le final viendra nous prendre aux tripes. Yeux mouilles, cœurs sérrés… Sans qu’on ne s'y attende vraiment, sans qu'on ne soit pour autant entièrement surpris. Tout en nuances. Cillian Murphy, aux allures de Saint Sébastien, se voit trahi par Judas, qui pour le coup ferme l'oeil. Amour absolu et sacrifié, où l'amour suinte dans la souffrance, où le crime nous abat. Image christique jusqu'au bout. Parce que ce nouveau Ken Loach est un acte de foi au sens le plus noble du terme. Parce que c'est une ambiance, une signature, une entité impressionniste qui sera parvenu à explorer le conflit historique, politique et social, l'oppression, l'inégalité, la colonisation, la guerre et toute sa vanité sans pathos. Avec, pour ce qui est de Loach, une vraie touche de dévotion, au-delà de ses coutumières explorations extractives.
Une histoire simple, non dénuée également ci et là de ces décalées et cocasses touches romantiques que l’on affectionne tant dans le cinéma britannique ; toujours esquissées pour embrasser nos envies de toiles multidimensionnelles. Comme l'Histoire, la grande. Celle qui n'est pas toujours aisée de capter et saisir (notamment au prologue du film). Celle qui envoûte ou rebute. Celle qui a toujours du sens ("J'espère que l'Irlande qu'on défend en vaut la peine"). Un vent qui se lève là où nous ne sentions qu'un souffle deux heures auparavant. Ultime expiration. Mais les idées survivent aux morts, et les méchants ont toujours tort. Dans le sillage de notre temps, ici comme ailleurs. La belle valeur ajoutée de ce nouveau Ken Loach.
Sabrina
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