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Batalla en el cielo (Batalla en el cielo - Bataille dans le ciel)
Sélection officielle - Compétition
HUMANITE
"- Je lui ai bourré le cul 3 fois.
- Ca veut dire quoi bourrer, papa?
- Tu apprendras ça bientôt ma chérie..."
Un homme adipeux. Le corps n'est pas beau. Une tête de femme, lorsque la caméra descend. Une pipe. La bite est volumineuse. Est-ce son volume qui tire une larme à la jeune fille? Ou l'innocence d'un amour perdu?
Bataille dans le ciel commence ainsi. Et finira de même. Peinture abstraite de la folie urbaine, d'un Mexico saturé de lumière, en proie à ses contradictions : pauvres, riches, blancs, hispanos, obèses, bien portants... Le film déroutera. Les aficionados y voueront un culte mystique. Illuminations ou mirages? Car, au-delà de la provocation que pourrait engendrer certaines scènes sexuellement explicites, le film évoquera surtout un désir de vouloir transporter le spectateur dans une expérience originale. Le film n'est donc pas offert à tous. Il peut aussi être reçu différemment.
Carlos Reygadas n'est pas un cinéaste généreux. Cinéaste rigoureux, il a conscience de l'intelligence de ses plans, mais oublie parfois de leur donner un sens. La caméra est toujours placée où il faut. Les mouvements sont toujours étudiés. Elle suit le regard de son protagoniste. Jusqu'à se transformer en caméra subjective. Le son, grande force du film, contribue à notre immersion dans ces mondes intimes, dans l'environnement du protagoniste. Entre Tsai Ming-Liang et Bruno Dumont (grand écart osé mais qui vient à l'esprit), le réalisateur crée un cinéma à la fois conceptuel et naturaliste, parfois onirique et s'attachant au réalisme. Tous ces Mexicains se liquéfient : pisse, sang, sperme, larmes... Ca fuit de partout, comme chez Ming Liang. Le film suinte. Et s'évade l'instant d'après, vers ce fameux ciel filmé. Parfois, il filme vu du ciel. La ville, les gens, tout cela semble distant. Et pourtant si proches... Déshumanisé, le décor du cinéma de Reygadas trouve son corps, à défaut d'un esprit, dans les rapports sexuels.
C'est dans les scènes charnelles qu'il arrive à nous émouvoir. Il filme le sexe avec compassion. Les corps sont ingrats ou les gestes peu sensuels. Il n'y a pas d'esthétisme ou de désir. On se branle devant un match de foot. On tire sa femme en levrette sous le regard d'un Jésus crucifié. L'épouse a un crops à la Botero. Tandis que la femme désirée est l'exact contraire. Cet homme est perdu, aveuglé par une passion impossible. Il n'y voit plus très bien. Se cache les yeux dans ses mains. Ou égare ses lunettes. "- Tu as perdu tes lunettes, mon chéri? - Elles étaient rayées de toute façon. - Je te donnerai ton ancienne paire." Ca ne l'aidera pas plus... Il est bon pour le sacrifice, comme chez les Aztèques.
Reygadas se laisse lui aussi aveugler par le plaisir onaniste de ses images. Il sait construire un beau plan. Mais ne le remplit de rien. Il fait du cinéma et nous montre son savoir-faire. C'est plastique. Les sensations sont inexistantes. Il faut le bruit pour vibrer sensoriellement. Ce bruit permanent, sauf sur les cimes des montagnes, où le silence devient jouissance. Bataille dans le ciel est alors une oeuvre qui se veut singulière - qui a peut être la prétention de trop le faire savoir - et qui s'avère égoïste et même égocentrique. Les intentions ne sont pas claires mais le langage cinématographique n'est pas pour nous déplaire.
Nous garderons en tête une séquence : plan circulaire commençant sur deux corps faisant l'amour, pendant que l'on pose des antennes télé sur les toits. Puis retour, boucle bouclée, vers les corps, allongés sur le lit. La bite débande. Gros plan sur la chatte. Les mains se frôlent. Se lient. Il y a alors un frisson d'humanité qui passe dans ce film désoeuvré et profondément pessimiste sur un monde aliéné qui ne se parle plus et qui n'arrive à communiquer que dans des gestes simples, presque animaux.
vincy
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