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Brodeuses (Brodeuses)
Semaine critique - Films en sélection
France / sortie le 13.10.04
AUX FILS DE LA TENDRESSE HUMAINE
- De quoi tu as peur ?
- De toucher.
Un parcours initiatique, de la négation à l'accomplissement de soi. Brodeuses est fresque intimiste délicatement composée, évoluant au fil des émotions de chaque personnage. Non-dits, secrets et errances charpentent ici toute l'histoire pour mieux faire éclater ce tabou que Dominique Cabrera pointait déjà dans Le lait de la tendresse humaine : la non-universalité de l'instinct maternel ; ces peurs inhérentes à la (re)construction identitaire des mères en devenir. Eléonore Faucher choisit, quant à elle, le créneau de l'auto négation, autant psychologique que corporelle, et cette question de l'accouchement sous X, pour peindre cet étonnant portrait de femmes déracinées. L'une va devenir mère malgré elle ; l'autre est brisée par le deuil de son fils. De leur complémentarité naîtra une subtile complicité, une compréhension mutuelle au-delà des mots, sauf quelques confidences. Regards et gestes, à eux seuls, transcrivent l'évolution des personnages. Une évolution lente, à l'image de la patience dont les deux femmes doivent faire preuve pour traverser leurs difficultés respectives. En ce point même tient la principale carence du film : un rythme assez moindre sur sa première moitié, micro vitaminé par quelques poncifs inhérents à la légèreté de l'adolescence et par une illustration musicale très "tendance", tout droit sortie de la nouvelle scène française ("Je t'emmène au vent" de Louise Attaque). On regrette ainsi cette ouverture traitée en filigrane, même s'il est bien entendu qu'elle vise à servir l'entière suite des évènements.
Photo, mouvements de caméra et lumières sont ici en revanche d'une rare beauté. Et le terme n'est pas trop fort ! Outre son langage cinématographique empreint de poésie et de picturalité, Eléonore Faucher nous offre véritablement des images à contempler, tant elles abondent dans le registre sensoriel. Chaleur, tendresse, affection, mélancolie, douleur, amertume, apaisement : l'esthétique est splendide, toujours volubile et remarquable à plus d'un titre. Ce premier long métrage laisse incontestablement entrevoir un bel avenir cinématographique à Eléonore Faucher, toute jeune réalisatrice mais déjà remarquablement émérite. De quoi passer outre les balbutiements de l'histoire en son préambule. Brodeuses s'envole magnifiquement dès l'apparition du personnage d'Ariane Ascaride. Femme écorchée, amère, sans concession, à la fois maternelle et sévère, intraitable et tendre, la comédienne embrasse ce personnage absolu avec brio. Son jeu nous transporte délicatement aux travers de chaque atmosphère ; son duo avec Lola Naymark, elle-même tout aussi surprenante, est résolument mélodieux. On aura bien sur compris que la notion de créativité, ici exprimé via la broderie, est une métaphore de tout ce qui a trait à la vie en général, de la fécondité à la renaissance psychologique, en passant par l'acceptation et expression de soi. Eléonore Faucher désacralise ces sujets "négatifs" tels que la peur, la culpabilité, le renoncement, l'inexpérience maternelle, la perte identitaire et l'errance pour mieux faire briller chaque polarité positive sous-jacente à ces même thèmes. Une métamorphose induite, logique et inévitable, chaque personnage se trouvant en situation de point de non-retour. De quoi faire de Brodeuses un film résolument optimiste.
Sabrina
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