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Production : Five Roses Réalisation : Jim Jarmusch Scénario : Jim Jarmusch Montage : Jay Rabinovitch Photo : Frederick Elmes Décors : Mark Friedberg Distribution : Bac Films Son : Tommy Mouie, Jan McLaughlin, Kira Smith Musique : Mulatu Astatke Durée : 105 mn
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Broken Flowers
Sélection officielle - Compétition
USA / sortie le 07.09.05
Jim
"Vous pouvez croiser n'importe qui à n'importe quel moment de votre vie et vous ne saurez pas précisément ce qui va se produire", explique Jim Jarmusch, capitaine de ce brillant film choral évoluant au gré de ce que le réalisateur rapproche de la théorie du chaos, puisque rien finalement dans la vie ne se produit de façon rationnelle. Resté indépendant, l'auteur-réalisateur démontre une fois de plus ses propensions à exceller aux travers d'une cinématographie concrètement éclectique mais toujours fidèle à son style. Un certain souci du détails, de vraies considérations pour les décors, une attention toute particulière envers cette notion de précieux… Ce dixième long métrage est un singulier jeu de piste comme d'accoutumé éloigné de ses aventures. Le cinéaste explique : "J'ai toujours essayé de faire des films qui ne se cantonnent pas à la structure ou a l'organisation d'un genre. (…) Ce nouveau film n'est, pour moi, ni une comédie romantique, ni une histoire tragique ou déprimante. Ce n'est ni l'un, ni l'autre. J'espère qu'il n'appartient à aucune catégorie". Rappelons que Jim Jarmusch est grand habitué de Cannes depuis sa caméra d'or en 1984 pour Stranger Than Paradise. Avant-dernier en date : Ten Minutes Older, en 2002 (sélection Un certain Regard), film à segments co-réalisé avec Spike Lee, Wim Wenders, Victor Erice, Chen Kaige, Aki Kaurismaki et Werner Herzog. Broken Flowers marque sa sixième sélection en compétition officielle après Down By Low (1986), Mystery Train (1989 - Prix de la meilleure contribution artistique), son court Coffee and Cigarettes, Somewhere in California (1993 - Palme d'or du court métrage), Dead Man (1995) et Ghost Dog (1999).
Bill
Retour en fanfare d'un Bill Murray sur terre après La vie aquatique. Broken Flowers marque sa deuxième collaboration avec le cinéaste qui ambitionnait vivement de retravailler avec lui depuis son apparition dans un des segments phares de Coffee And Cigarettes, "Delirium". Un rôle de composition astucieusement élaboré, bien plus nourri du tempérament même de Murray que par jeux de projection plaçant le comédien à l'oeuvre. Confidences de Jim Jarmusch : "Je voulais un rôle où il ne pourrait pas s'en remettre à son talent pour rendre n'importe quoi d'hilarant. Je voulais autre chose. Il a toujours montré un singulier mélange de malice et de mélancolie. Il a ça Bill Muray, et c'est rare.". Une parfaite maîtrise de la direction d'acteurs qui, lorsqu'il s'agit de Jarmusch, n'a d'égal que son art de capter l'essence de ses comédiens.
Sharon, Frances, Jessica et Tilda
Quatre actrices hors pairs, Sharon Stone, Frances Conroy, Jessica Lange et Tilda Swington. Quatre femmes envers lesquelles ce film longtemps resté sans titre se positionnera définitivement. A l'écriture, le cinéaste usera de cette même recette employée pour Muray. Après tout, celle-ci elle fonctionne. Afin de permettre aux quatre comédiennes principales de réaliser un premier pas vers leurs personnages, Jim Jarmusch leur a tour a tour demandé de rédiger la fameuse lettre initiatrice de l'histoire, afin que chacune puisse envisager d'être la mère de l'enfant mystère. C'est à partir de ces quatre lettres que l'auteur-réalisateur a sculpté ses quatre héroïnes, puisant toujours dans la nature propre des ces comédiennes, restant à l'écoute de leurs suggestions et, nous l'aurons saisi, composant la dite et définitive lettre qui apparaîtra à l'écran.
Jeffrey Wright complète cet ensemble ; un autre rôle de composition. Notons la brève apparition de Julie Delpy dans le rôle de Sherry (l'ex de Don), personnage avec lequel Jarmusch a délibérément voulu se jouer de clichés.
Merci Monsieur Eustache
Broken Flowers est dédié à Jean Eustache, cinéaste qui a longuement nourri Jarmusch et constitue, d'une certaine manière, son compagnon d'écriture spirituel (une photo d'Eustache sur le tournage de La maman et la putain accompagne Jarmusch sur son lieu d'écriture dans la région forestière des monts Catskill dans l'état de New York). Jarmusch qui n'économise pas ses mots pas pour illustrer son admiration envers le cinéaste français : "J'ai écrit ce scénario très vite. Il était toujours là quand je perdais courage. C'était important pour moi cette photo de lui toujours présente. (…) Il y a quelque chose de lui que j'aimerais garder : faire un film comme on l'a choisit, en accord avec soi-même, sans se préoccuper du marché ou des attentes de qui que ce soit, dans la volonté toute simple d'exprimer quelque chose avec ses moyens propres. C'est très important pour moi. (…) La maman et La putain est l'un des plus beaux films sur l'incompréhension entre les hommes et les femmes et il est question de cela dans notre film". Une alchimie strictement thématique, scénario et mise en scène trouvant naturellement ici leurs propres mesures. Un Grand Prix du Jury 2005 qui réserve de nobles couleurs. Trophée assurément mérité.
Sabrina
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