Production: Les films du Fleuve, Archipel 35, Diaphana
Réalisation: Jean-Pierre et Luc Dardenne
Scénario: Jean-Pierre et Luc Dardenne
Montage: Marie Hélène Dozo
Photo: Alain Marcoen
Musique: du bruit...
Durée: 103 mn
Olivier Gourmet : Olivier
Morgan Marinne : Francis
Isabella Soupart : Magali
Festivalcannes.org
 
 

Le Fils

Belgique / 2002 / Sortie en salle le 23.10.02
Sélection Officielle / Présenté le : 23.05.02
Prix d'interprétation masculine

Olivier forme des jeunes à un métrier : la charpenterie. Il est divorcé de Magali. Elle attend un enfant. Le premier depuis la mort leur fils, il y a 5 ans.
Quand on propose à Olivier de prendre Francis dans son équipe, celui-ci d'abord refuse. Il a tout de suite compris. C'est le même gamin qui a tué son fils. Pourtant, le lendemain, il se rétracte et préfère ainsi comprendre ce qu'il s'est passé.

Il y avait les Coen (Palme d'Or et régulièrement sélectionnés), il y a désormais les Dardenne (Palme d'Or et désormais abonnés). Ces deux frères Belges, d'une cinquantaine d'années, ont commencé dans le documentaire avant de fonder Dérives (production de docus) et surtout Less Films du Fleuve (production de longs métrages).
Si leur première fiction date de 1987, c'est avec le troisème film, La Promesse, révélant ainsi Jérémie Renier, qu'ils conquièrent les coeurs du public et des critiques, et même d'Adjani qui le classa dans ses films favoris. En 99, le petit film Rosetta est présenté le dernier jour à cannes; la plupart des festivaliers sont partis. Cela reste pour une occasion formidable. Emilie Dequenne sera d'ailleurs propulsée parmi les espoirs les plus prometteurs. Le film obtiendra la Palme d'Or (contestée, notamment par Ecran Noir) et un prix d'interprétation pour la jolie Emilie.
Le fils, leur nouveau film, fait la part belle à Olivier Gourmet, fidèle du duo. On l'a vu récemment dans Un moment de bonheur, Sur mes lèvres, Mercredi folle journée.
Au final, les Dardenne avouent : le film aurait pu s'appeler Le Père.

 

BOIS DE LIEGE

"- Personne ne ferait ça.
- Je sais.
- Alors pourquoi tu le fais?
- Je sais pas."

Le film nous arrive à la fois agaçant par ses tics de réalisation "dardenniens" et emouvant par la force de sa scène finale. Alors que Cronenberg ne montrait que la partie visible de l'iceberg avec Spider, les frères Belges s'incrustent davantage dans la pensée tortueuse, dans l'inconscient explorateur de leur personnage principal. Il dévale les escaliers, fuit dans les couloirs, s'ennivre du labyrinthe qui l'oblige à trouver la vérité pour finalement répondre : "Je sais."
On peut reprocher aux cinéastes de ne pas renouveller leur style. Ils se concentrent toujours sur un seul personnage, le plus misérable possible. La caméra chercheuse le suit plus qu'elle ne le regarde. Elle espionne ou s'interroge, nous laissant imaginer des scènes invisibles (la vie de Francis).
L'énervement vient du bruitage, de ce son strident, industriel, sadique : perceuse, scies électriques, clous et marteaux, barre de fer qui tombe ... Un véritable supplice auditif. L'ensemble prend la forme d'un documentaire sur l'artisannat, un cinéma minimaliste et une fiction en quête de vérité.
Porté par de très bons comédiens, les Dardenne savent utiliser au mieux les jeunes acteurs, mais ils offrent à l'excellent Olivier Gourmet une performance remarquable, tour à tour méfiant, inquiétant, perdu, abattu, intriguant, mesquin, ou aimable. Un personnage brut de décoffrage. Si la forme n'a pas beaucoup évolué, le sujet et le scénario ont gagné en intensité.
Le dilemme moral multiplie les obstacles, les impasses et les portes d'accès à l'essentiel : le pardon ou son contraire, la destruction. Bien sûr en choisissant un gosse comme coupable, la manipulation est plus facile (trop?). Mais le tuteur offrira-t'il une seconde chance au tueur? C'est tout l'objet de ce nouveau film des frères Dardenne. Le final contraste fortement avec le reste du Fils : plus vif, mieux écrit. Mais on comprend mieux le chemin parcouru, et notre propre interaction à ce jeu d'arcade où le lot gagnant est une paix intérieure, un deuil enfin achevé, une reconstruction possible. Chez ces Belges, tout est noir, gris, pluvieux, triste. Sauf l'espoir.

  (C)Ecran Noir 1996-2002