Production: Maïa Films, Arte France Cinéma, Les Films d'ici, Centre National de Documentation Pédagogique.
Réalisation: Nicolas Philibert
Montage: Nicolas Philibert
Photo: Katell Djian, Laurent Didier
Musique:  lPhilippe Hersant
Durée: 104 mn
George Lopez (L'instituteur)
Les habitants et à la municipalité de Saint-Etienne sur Usson
L'école de Chamailloux
Festivalcannes.org
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Site de l'école
 
 

Etre et avoir

France / 2002 / Sortie en salle le 28 août 2002
Hors Compétition / Présenté le 19.05.02

Une école perdue en pleine Auvergne. Une classe unique, de la Maternelle au CM2. Le documentaire suit la vie quotidienne de ces enfants et de leur Maître, avec ceux qui apprennent à écrire et ceux qui vont devoir quitter ce cocon.
Il s'agit de l'autre documentaire du Festival. mais celui-ci est hors compétition. Le film de Nicolas Philibert aura quand même les honneurs d'une montée des marches qui ressemblera à l'Ecole des Fans.
Philibert a trouvé son financement autant dans le cinéma qu'auprès de l'Education nationale, qui, nouveauté, veut investir le domaine de l'image en commanditant des documentaires ou en faisant appel à une action pédagogique autour du cinéma. Ce documentariste a touché à tous les sujets mais conserve une constante : l'humanisme. "Je m'empare un petit peu de la vie des gens, il faut leur restituer quelque chose ensuite.".
Il est fils de prof (de philo), un prof accro au ciné. Il était logique que cet hétérogène fusionne les deux métiers dans un documentaire comme celui-ci. Il a toujours mélangé le documentaire au mode fictionnel, que ce soit dans La ville Louvre ou La moindre des choses. Ici il fait de la vie de George Lopez, à 18 mois de sa retraite, un itinéraire sans voix off, sans récit, mais très écrit.
Il capte ainsi des morceaux de vérités qui font de ce film hors-normes à Cannes, un sujet d'intérêt pour les médias hexagonaux. En tout cas ceux qui préfreront officiellement bouder le Moore, plutôt que de reconnaître la diversité et la vitalité du genre. le docu est à' lhonneur, après le sacre de l'Animation (Shrek à Cannes, Chihiro à Berlin).

Post-Cannes
"Le pouce, l'index, le nageur, l'annulaire et l'aurizontal", voilà une réplique enfantine et culte. Ces enfants auvergnats se sont baladés en juin dans les avant-première de Festivals. Puis fin août, il sort en salles. Partenaires solides : Télérama, Le Monde. Critiques élogieuses dans la presse branchée. L'élite parisienne méprise un peu L'Adversaire, de Garcia, et vante les émrites de ce film gauchiste et psycho-social, voire politique en ces temps où l'on en manque tant. Le phénomène est paré à décoller. Il est vrai qu'il est difficile d'en dire du mal : on ne s'attaque pas à des enfants confondant de vérités, ni au corps enseignant, héros de la République. Pourtant, en lisant les critiques, tous reconnaissent l'imperfection de l'oeuvre, la partialité, le point de vue morcelé. Mais Etre et Avoir est programmé pour être la surprise de l'année : il faut faire revivre le documentaire, genre sur-sollicité. Il faut aussi faire remonter la part de marché du cinéma français. Le bouche à oreille fera le reste. 1 million de spectateurs en un mois. Et aucun débat, aucune critique. La pensée unique continue de faire de sravages, même du coté des bons sentiments. Une chose ets certaine, les sélectionneurs de Cannes ne se sont pas trompés en choisissant le Michael Moore en compétition.

 

L'INSTIT

- C’est beaucoup bien.

Il est étonnant de constater que ceux qui ont critiqué Ca commence aujourd’hui, l’un des récents films de Bertrand Tavernier traitant de la fonction d’instituteur dans une banlieue précaire, ont fait l’éloge de ce documentaire traitant d’un sujet similaire, mais en condition rurale.
Loin de nous de souhaiter déclencher une polémique, mais force est de constater que ce film qui s’inscrit dans le réel n’est qu’une forme de publicité déguisée. On peut certes reprocher à un Michael Moore d’être égocentrique, mais son courage est de lier le discours convaincu à une action qui s’ancre dans les revendications socio-politiques prenant leurs racines dans les années 70. Ici, Nicolas Philibert n’ouvre aucun débat, ne remet jamais en cause un système, ne poursuit aucun objectif. Il n’a d’autre motif que montrer un état de fait, et de s’y complaire.
Face à ces images, il est convenu de prendre de la distance. Fiction réelle ou documentaire stylisé, le projet cherche continuellement à ne pas choisir son genre, affaiblissant ainsi son sujet et la force qu’il aurait pu avoir. Nous voici plongés dans une zone rurale, isolée, agressivement décalée du monde "moderne". L’agriculture reste le secteur premier. Déjà, cela signifie que nous sommes dans l’exception, dans l’exclusion peut-être. En choisissant l’hostilité climatique dès les premières images, le documentariste nous montre du doigt une zone oubliée de notre géographie mentale, mais bizarrement il fait naître un pays étranger là où il n’en existe pas : il crée ainsi le fossé, qui jamais ne se comblera. Car il n’y a aucune ouverture sur l’extérieur : une vague balade en Micheline, une brève visite dans un collège local et c’est tout.
Tout est enfermé entre les murs de cette école, prisonnier de ces paysages magnifiquement "photographiés". Les ordinateurs sont continuellement éteints. La seule intrusion dans l’école provient du réparateur de photocopieuse. Et lorsqu’on voit ces enfants, on ne peut s’empêcher de penser que leur vie est triste, qu’en effet l’école est une sorte de salut. Il y a de l’intelligence dans ce film. Mettre en comparaison la difficulté de compter d’un CM2 avec sa facilité à conduire à tracteur, par exemple. De plus, jamais Philibert ne juge les cas les plus désespérés, les plus pathétiques. Mais il ne les aide pas non plus. Il n’interfère jamais, pas même par une voix off. Il fusionne le portrait d’une réalité avec l’illustration cinématographique la plus factice.
Il est impossible d’adhérer complètement à son propos. Dans cette imagerie nostalgique et rétrograde, Philibert voudrait nous faire croire que la carrière d’instit est magnifique. Mal payés, déconsidérés, dévalorisés, ils ne sont plus les notables d’antant. Pourtant Etre et avoir voudrait nous le faire croire. Le docu positionne le Maître d’école comme un référent du Savoir, un pivot de la communauté, celui qui écoute, conseille, dicte. Et pas seulement des dictées. 35 ans de métier et un itinéraire trop cliché pour, là encore, ne pas y voir une exception. L’imagerie d’Epinal est à son paroxysme de la caricature. Les parents immigrés, le sacrifice de ces gens pauvres pour leur fils, la vie bienveillante dans un environnement sans pollution, l’emploi à vie, le domicile inclut dans le lieu de travailŠ il ne manquait plus que la vie privée de cet Instit. Une fois de plus, Philibert hésite entre du reality-show voyeur avec cette anti-star (mais héros oublié du quotidien) et un personnage de téléfilm populaire et populiste. Car le choix du Maître n’est pas innocent, et c’est un homme extraordinairement à l’écoute, fortement présent qui nous est livré. Quid de celle qui partage ses tâches ? Aucune importance puisqu’il y a l’Instituteur et ses élèves. Nul enjeu dramatique, juste un regard déformé, subjectif (trop), individualiste sur une fonction et son représentant.

Suite de la critique

  (C)Ecran Noir 1996-2002