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Whitney Houston (1963-2012)

 

Whitney

Sélection officielle - Séances spéciales
/ sortie le 29.08.2018


Attention, cette critique contient des spoilers.





A STAR IS BORN

"Ses parents la préparaient à une musique qui resterait."

Six ans après avoir réalisé l'excellent documentaire Marley, Kevin Macdonald est de retour sous les projecteurs avec un projet qui pourrait bien faire couler beaucoup d'encre au moment de sa sortie.

La Beyoncé du 20e siècle

Whitney Houston a vendu 200 millions d'albums, détient le record du plus grand nombre de numéros 1 consécutifs et possède le single le plus vendu de l'histoire par une chanteuse (au passage: c'est une reprise). Mais derrière les records, les rumeurs, les scandales, les secrets et la gloire se cache la véritable Whitney. Voilà de quoi traite Whitney, le nouveau documentaire de Kevin Macdonald. Si sur la forme le projet est assez classique (il raconte toute la vie de la chanteuse avec des ellipses "comblées" par des interventions de proches), Whitney a le mérite de nous faire découvrir une artiste que l'on ne voyait presque plus comme humaine.

De sa famille parfaite sur le papier à sa longue descente en enfer, Whitney dévoile ainsi tous les petits secrets du clan Houston. Conscient du travail d'orfèvre qu'un documentaire sur l'une des personnalités les plus récompensées au monde demande, Kevin Macdonald a parfaitement fait son travail de cinéaste et de documentariste, coupant et recoupant ses sources, posant les questions aux bonnes personnages. Sans jamais imposer sa patte et son style, le réalisateur d'Un jour en septembre dresse ici le portrait d'une femme que la voix et la beauté ont fait entrer dans la légende mais dont le travail a parfois été oublié.

Grâce à différents managers, Whitney est devenue Whitney Houston. Mais dans ce documentaire, il est avant tout question de Whitney, celle que ses proches appelaient également "Nippy". Souriante et chaleureuse, elle apparaît également taquine voire complètement arrogante dans des vidéos jusque-là restées privées, clashant au passage Paula Abdul et Janet Jackson avec sa mère. Whitney évite toute forme de sensationnalisme malsain pour montrer avant tout une femme qui en voulait et qui se savait particulièrement chanceuse. A l'heure où le succès d'une popstar repose davantage sur son équipe que sur ses performances vocales, Whitney Houston a donc tout d'une Beyoncé avant l'heure. Son père a été son manager. Son mari Bobby Brown a pendant un temps voulu contrôler sa carrière avant qu'elle ne finisse par exploser et complètement l'éclipser. Ses proches sont constituées de personnalités jalouses et de gens particulièrement intéressés - à qui des NDA ("non-disclosure agreements") auraient fait du bien. Extrêmement simple, Whitney Houston est présentée comme une fille puis une femme qui aimait les siestes

Tourbillon de révélations

Plus qu'un documentaire sur la vie et la carrière de Whitney Houston, Whitney est également une occasion rêvée pour Kevin Macdonald de remettre les pendules à l'heure, de proposer une nouvelle lecture du mythe et de mettre ses proches devant le fait accompli. Grâce à diverses entretiens qui vont d'un garde du corps à ses managers, en passant par ses frères, son ex-mari, son assistante, son ingénieur son, son ex-belle-sieur ou encore ses producteurs, Whitney montre que Whitney Houston n'était aucunement la personnalité dépeinte par les médias. Ou du moins, que les médias avaient complètement tort sur son compte.

Si l'addiction à la cocaïne de l'interprète de "I Wanna Dance With Somebody" était connue de tous, le film de Kevin Macdonald nous apprend que c'est auprès de ses frères, deux drogués notoires, qu'elle s'est laissée aller sur cette pente. Marijuana pour commencer, puis la cocaïne et les médicaments sans parler de l'alcool. Tout un programme ! Et comme le linge sale est toujours mieux lavé en famille, le clan Houston fait front uni au moment de décrédibiliser une bonne fois pour toutes Bobby Brown. "Petit joueur", "jaloux", "chanteur de quelques tubes", telles sont les expressions utilisées pour détruire celui qui n'a jamais supporté la succès "stratosphérique" de la chanteuse.

Mais il n'y a pas que lui qui se retrouve au centre de l'attention. L'amie et assistante de Whitney, Robyn Crawford, est également sujette à de multiples commentaires dérangeants. Lesbienne et noire à une époque où ce mélange faisait encore plus de bruit qu'aujourd'hui, elle est d'abord présentée comme nocive. Et cela notamment à cause de la confiance que Whitney Houstgon lui vouait. Au moins jusqu'à l'arrivée de Bobby Brown dans la vie de Whitney. Cela permet néanmoins à Kevin Macdonald d'évoquer sans détour la sexualité de Whitney Houston, artiste à qui il était strictement interdit d'être lesbienne mais qui était finalement en avance sur son époque et tout simplement "fluide".

Le célèbre producteur L.A. Reid (Fifth Harmony, TLC, Mariah Carey, Justin Bieber, The Jacksons) en prend également pour son grade. Notamment lors d'une séquence absolument géniale au cours de laquelle il tente de faire croire qu'il n'était pas au courant de l'addiction de sa chanteuse phare à la cocaïne… En permettant aux différentes parties de s'exprimer face caméra, Kevin Macdonald laisse au spectateur la possibilité d'avoir une vue d'ensemble et de se faire ses propres opinions sur l'entourage toxique de l'auteure de "I Will Always Love You".

Mais le véritable coup de maître de Whitney, c'est d'avoir réussi à délier les langues au point que les proches de la chanteuse admettent que son propre père était un pourri qui détournait une partie de sa fortune pour ses affaires et qu'au cours des multiples tournées de sa mère, Whitney ainsi que ses frères ont été abusés sexuellement. Et la coupable, comme c'est malheureusement souvent le cas, n'était autre qu'une proche de la famille : la célèbre chanteuse Dee Dee Warwick, sœur de Dionne Warwick, nièce de Cissy Houston et donc cousine de Whitney Houston.

Phénomène pop

Au-delà des scandales, Whitney parvient à montrer une Whitney Houston telle que perçue par des millions voire des milliards d'individus : l'icône pop des Noirs. En faisant le lien avec les émeutes de Newark dans les années 1960 et en rappelant les multiples critiques qu'elle a subies en dérivant de la soul à la pop, Whitney rappelle à quel point l'industrie musicale est dure avec les artistes de couleur. En entrecoupant les séquences narratives avec des plans extraits d'émissions et de journaux télévisés d'époque, on note à quel point cette fille née dans le New Jersey a pu compter et surtout comment elle a acquis son titre de légende.

De MTV à Michael Jackson en passant le Super Bowl ou encore les Soul Train Awards, Kevin Macdonald nous fait prendre conscience qu'en parallèle de Madonna mais bien avant Beyoncé, Rihanna, Mariah Carey, Alicia Keys ou Aaliyah, Whitney Houston était une reine de la pop et du funky. Parfaitement en lien avec son temps tout en étant portée par des valeurs chrétiennes, la chanteuse avait la capacité de rassembler des communautés mais également des peuples. (On salue l'impressionnante séquence sur son passage dans l'Afrique du Sud post-apartheid.)

Si la forme et la narration ne révolutionnent pas le genre, force est de reconnaître que Whitney est un excellent documentaire porté par des images d'archive précieuses, des entretiens loin d'être consensuels et un regard distancié. On ne pouvait pas rêver mieux !

wyzman



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