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Vers la lumière (Hikari - Radiance)
Sélection officielle - Compétition
Japon
LA VUE DES AUTRES
« A travers un film, on se connecte à d’autres vies ».
Naomi Kawase poursuit son travail de narration entamé par Still the Water : un mélange de mélodrame accessible et de reportage sur une communauté. Après les insulaires de Amami et les vieillards du sanatorium pour lépreux, elle se penche tendrement sur les malvoyants et leur rapport au cinéma et au monde visuel.
La cinéaste japonaise ne parvient pas complètement à nous enthousiasmer. Non pas que les personnages ou l’histoire soient inintéressants, mais son propos est trop naïf et son fil conducteur trop prévisible. Il n’est pas sûr qu’une romance, maladroitement amenée, ait été utile pour ce film, sauf à construire le scénario autour de cet élan amoureux entre une jeune traductrice et un photographe aveugle.
Hikari (Vers la lumière) ne manque pourtant ni de beaux plans sensoriels (Kawase a un talent inné pour filmer les forêts et les couchers de soleil), ni de belles idées (la perception subjective du malvoyant qui ne voit que très partiellement, la manière dont la traductrice décrit le monde qui l’entoure). On chavire quand le photographe perd définitivement la vue. C’est aussi à ce moment là qu’un autre sens prend le relais, celui du toucher. Sans doute, cet instant est le plus beau moment du film.
Inaccompli
Regarder ou écouter le monde qui nous entoure, le traduire en mots : la réalisatrice met en abime son travail de création. Comment mettre en images et en dialogues ce que l’on voit ou ce que l’on ressent. Choisir le bon mot n’est pas si simple. En choisissant une jeune femme chargée de traduire en audiodescription un film, elle ouvre nos yeux et nos esprits à la difficulté de l’accessibilité du cinéma, et plus globalement à l’adaptation au handicap d’un homme qui a construit sa vie autour de sa vue. Comme décrire une situation, un sentiment ? Traduire c’est trahir, c’est mettre de soi, c’est incruster son interprétation dans le ressenti d’un autre. C’est sans doute là que le film est le plus inspiré. Cependant, il y a une sensation d’inaccompli dans le traitement de ce sujet, au milieu d’une histoire amoureuse sans doute trop envahissante.
Car, pour la partie dramatique, en revanche, on reste circonspect. Certes la réalisatrice a rendu plus classique ses histoires et ses dialogues, réduisant les contemplations et les références absconses. Elle laisse son film respirer « pour créer l’émotion » comme on nous le signifie. Un air de déjà-vu empêche le spectateur d’être emporté. D’autant plus qu’on comprend assez vite où Kawase veut nous emmener. La perte d’un sens, la perte des souvenirs et la perte des siens sont autant de petits cailloux semés pour comprendre la valeur de la vie et relativiser ce que l’on possède. Et ainsi elle dénonce l’insatisfaction des êtres, ceux qui vivent quand on veut mourir, ceux qui meurent alors qu’ils veulent vivre, ceux qui ne parviennent pas à laisser partir ou lâcher prise. « Rien n’est plus beau que ce qu’on a sous nos yeux et qui s’apprête à disparaître ».
Surexposé
A travers ce prisme, Naomi Kawase souligne assez fadement le besoin de liberté et la nécessité d’acceptation. Les rares caresses que proposent sa caméra éclairent surtout l’aspect lisse de sa romance passionnelle. L’introspection souhaitée est trop mise en lumière pour nous toucher. Et les peurs qui motivent les actions des protagonistes sont souvent trop distantes pour nous les faire partager.
Ici, c’est un peu « l’espoir fait vivre » même si la vie est injuste et cruelle. Malheureusement pour nous, à trop vouloir énoncer chacune de ses idées, elle laisse à l’écart le désir et le non-dit, ces deux moteurs invisibles qui font les grandes histoires de cinéma. Avec Hikari, Naomi Kawase signe finalement une œuvre sensible, à défaut d’être profonde.
vincy
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