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Poesia sin Fin
Quinzaine des réalisateurs - Compétition
Chili / sortie le 05.10.2016
L’ÉTOFFE DONT SONT FAITS LES RÊVES
"La vie n’a pas de sens, il faut la vivre. "
Après avoir tenté de se réconcilier avec son enfance dans Danza de la realidad, Alejandro Jodorowsky revient dans Poesia sin fin sur la période fantasque de son adolescence, et du passage à l’âge adulte. Dans des décors de carton-pâte et avec une théâtralité et une esthétique parfaitement assumées, le réalisateur soumet son double de cinéma, jeune homme exalté en quête de liberté et de flamboyance, à une série d’événements et de rencontres qui façonnent peu à peu son caractère. A intervalles réguliers, Jodorowsky lui-même intervient à l’écran pour commenter l’action ou orienter a posteriori sa propre destinée, entre le chœur antique et le Deus ex Machina. On est notamment bouleversé par cet homme vieillissant (87 ans, tout de même) qui exhorte le jeune homme qu’il fut à se réconcilier envers et contre tout avec son père. Chose qu’il ne put, lui, jamais accomplir.
On retrouve bien là cette foi en un cinéma presque magique qui rend tout possible, même réinventer le passé pour le rendre plus coloré et plus exaltant, et dissimuler sous une couche épaisse de burlesque et d’extravagance inspirée la nécessaire pudeur face à l’exercice complexe de mettre en scène sa propre existence. Il en résulte un film extraordinairement personnel, culotté et bourré de fantaisie, dont la poésie intrinsèque est évidemment indéniable. On ne peut que lui pardonner les outrances et les moments de creux inhérents à l’exercice, pour louer la puissance d’une reconstitution qui évoque celle des souvenirs et des songes, ne cherchant aucun réalisme, aucune véracité historique, mais plutôt une allégorie de ce passé revisité.
Ainsi les différentes rencontres faites par le personnage principal semblent-elles avant tout fantasmées, reconstruites a posteriori par une mémoire sélective qui enjolive et transforme tout souvenir en carnaval flamboyant et démesuré. A l’image du coup de foudre pour la poétesse Stella Diaz découverte dans un café où tout le monde semble déjà presque mort, décor sublime pour la "folie" de sa future muse. Et même si les personnages féminins dans leur globalité sont peu flatteurs (à mettre sur le compte, là encore, des souvenirs altérés par le temps qui passe ?), on ne peut que rester pantois face à la gourmandise et l’audace dont fait preuve Alejandro Jodorowsky pour se repencher avec une telle sincérité sur sa jeunesse. En attendant, avec la même gourmandise, le prochain volet de ce vrai faux biopic indispensable et captivant ?
MpM
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