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Exil

Sélection officielle - Séances spéciales
France


L'IMAGE RESTANTE





"L'exil et l'enfance ne se regardent pas en face."

Le génocide cambodgien est LE grand sujet de Rithy Panh, et pour cause. Il a réalisé des documentaires sur les victimes (S21, la machine de mort khmère rouge), les bourreaux (Duch), ou encore sur ses propres souvenirs (L'image manquante). Avec Exil, il s'essaye encore à un nouveau style, qu'on pourrait qualifier d'évocation poétique. Une voix-off lit des extraits de texte (ça va de Mao à Baudelaire) tandis qu'à l'écran, un acteur est confronté à différentes situations : faucher de hautes herbes, faire cuire un lézard, porter de lourdes pierres qui ne cessent d'apparaître... Ces scènes symboliques sont reconstituées dans un dispositif qui est l'équivalent du décor des figurines de terre cuire de l'Image manquante : une pièce close et oppressante dont il ne semble pouvoir sortir, métaphore évidente d'un espace mental où se heurte la conscience de celui qui a connu l'exil des camps de rééducation Khmers.

Des images d'archives se mêlent aux autres et forment curieusement une sorte de "fonds visuel" à la voix-off. Comme s'il avait fallu "meubler" ce texte dense et complexe dont on ne sait pas toujours ce qu'il cherche à nous dire. On peut notamment être gêné par l'absence d'identification des auteurs cités, laissant le spectateur dans le flou sur la nature de ce qu'il écoute : propagande, poésie, réflexion utopique ? Même si l'on comprend la démarche de Rithy Panh (placer le spectateur dans la même situation que le téléspectateur confronté aux flots d'images et de commentaires dépourvus de recul sur eux-mêmes), cela a quelque chose de troublant.

D'autant que le récit est bien plus intéressant quand il s'extrait de ce discours abstrait et théorique, presque désincarné, pour parler à la première personne de choses plus personnelles comme le souvenir de sa mère. Dans ces moments-là, on est tout simplement bouleversés par la blessure indélébile que l'exil, l'endoctrinement et la captivité laisse à celui qui les a expérimentés même une seule fois dans sa vie. Cela éveille bien sûr des échos avec notre époque, et l'on aurait aimé que Rithy Panh jette une passerelle plus explicite avec la situation actuelle des milliers de réfugiés affluant de Syrie et d'ailleurs, eux-aussi jetés sur les routes et parqués dans des camps où ils connaissent les affres de la faim, du dénuement et de la peur. Témoigner des horreurs du passé est une nécessité absolue, mais cela ne peut se faire en vase clos, sans même un regard pour les victimes d'aujourd'hui.

MpM



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