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Fatima

Quinzaine des réalisateurs - Compétition
France / sortie le 07.10


L’AMER COURAGE





"Dehors, il faut calculer chacun de tes pas, de tes gestes et de tes paroles."

Librement adapté de Prière à la lune de Fatima Elayoubi, Fatima raconte une année dans la vie de Fatima, femme de ménage discrète et travailleuse qui s'occupe seule de ses deux filles et souffre au quotidien de sa maîtrise malhabile de la langue française. Avec une brillante économie d'effets, Philippe Faucon raconte la honte et la fierté, l'envie de réussir et la peur d'échouer, la jalousie et la bienveillance, qui se disputent le quotidien de Fatima et de ses filles.

A travers la voix vibrante de ce très beau personnage principal qui écrit ses pensées les plus intimes en arabe sur un cahier d'écolière, le film rappelle qu'aucune société ne peut faire l'impasse sur "ses Fatima" parce que ce sont elles qui font tourner le monde. Sans angélisme mais avec beaucoup de respect et d'émotion, Philippe Faucon dresse ainsi le portrait digne d'une femme tout en rendant hommage à toutes celles qui s'activent en secret dans les coulisses de nos existences : femmes de ménage, assistantes maternelles, caissières... Avec douceur, il accompagne ses souffrances ravalées, sa honte cuisante, son impuissance frustrée, mettant au cœur du film la barrière primordiale de la langue qui l’empêche de prendre sa place dans la société.

Autour de l'exceptionnelle Soria Zeroual qui incarne Fatima, on retrouve deux jeunes actrices formidables : Zita Hanrot, la fille aînée, étudiante acharnée, et Kenza Noah Aïche, la fille cadette, rebelle et révoltée. Toutes deux incarnent à la fois une réalité humaine de la France contemporaine et une vision plus spécifique de la jeunesse issue de l’immigration. Quelle que soit la voie qu’elles choisissent, les deux filles de Fatima doivent prouver deux fois plus leur valeur que quiconque, juste en raison de leurs origines.

A petites touches très légères, le réalisateur montre leurs doutes et leurs rêves, mais aussi leurs colères ou leur incompréhension. Pas facile pour l’aînée de porter sur ses épaules tous les espoirs de sa famille, condamnée à réussir pour ne pas décevoir ou, pire, donner raison aux médisants qui lui prédisent l’échec. Pas facile pour la cadette d’assumer ses origines sociales dans une société qui lui renvoie sans cesse un reflet stigmatisant de sa famille.

Et pourtant, malgré ces constats en demi-teinte, Fatima n’est jamais un film pessimiste ou misérabiliste. Au contraire, il s’en dégage une énergie et un humour qui appellent foncièrement à l’espoir. Sans doute parce qu’au-delà des questions d’intégration et de racisme latent qu’il aborde, Philippe Faucon filme avant tout une famille presque ordinaire qui compose à sa manière avec les obstacles de la vie. Sans didactisme, juste avec sincérité.

MpM



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