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La tierra y la sombra
Semaine critique - Films en sélection
Colombie
LE SUCRE DE LA VIE
"- Ça valait la peine de partir ?
- Je n'aurais pas pu rester et voir tout cela disparaître de mes propres yeux.
Un vieil homme marche sur une route de terre, accablé de soleil. Lorsque de lourds camions le croisent, il doit de réfugier dans les plantations alentours pour échapper au terrible nuage de poussière qui s'élève et envahit tout. Puis il arrive dans une maison plongée dans l'obscurité où on l'attend. Le contraste, immédiatement, est saisissant. Ici, deux univers s'opposent : le monde confiné de la bâtisse dans laquelle l'extérieur ne doit pas pénétrer et les vastes paysages brûlés du dehors où errent les quelques rares habitants encore présents. Une dualité qui se retrouvera à tous les niveaux du film : dans l'espace, dans le récit qui alterne l'intime de la cellule familiale avec le social du monde du travail, et même dans la répartition singulière des membres de la famille : hommes cantonnés au foyer, femmes travaillant dans les champs.
Sur cette base, César Agusto Acevedo construit un film subtil et classique qui observe le délitement annoncé d'un monde, doublé symboliquement par la réconciliation impossible à la fois de la grand-mère et du grand-père et de l'intime avec le social. Parce que la culture de la canne à sucre rend impossible tout autre moyen de subsistance, parce que le brûlage de cette même canne à sucre a rendu malade le seul homme de la famille, les personnages sont condamnés soit à fuir, soit à mourir sur place.
Le réalisateur filme ainsi la poussière et les cendres qui noircissent les visages et les corps, les mains coupées par les cannes à sucre, la difficulté d'un travail physique et abrutissant. En parallèle, il montre la complicité qui naît entre les trois générations d'homme de la famille. Jamais manichéen, il montre également le revers de ces deux pièces : sur la plantation, la solidarité indéfectible des ouvriers entre eux. À la maison, la mésentente entre le grand-père et la grand-mère, à laquelle personne ne peut rien.
À mi-chemin entre la chronique familiale et le drame social, La tierra y la sombra fait ainsi le constat sombre d'une situation bouchée de tous côtés, que seul un élément venu de l'extérieur pourrait résoudre. Partant de là, le réalisateur déroule assez classiquement les jalons de son récit. Sans pathos, il témoigne d'une réalité forte, livrant un film certes dépourvu d'aspérités, mais attachant et sensible.
MpM
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