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Tale of Tales, le conte des Contes (Il racconto dei racconti)
Italie / sortie le 01.07.2015
LA COUR DES CONTES
"Vous avez voulu séparer l'inséparable."
Il était une fois un réalisateur qui souhaitait adapter pour le grand écran le premier recueil européen de contes populaires écrit en napolitain, le Pentamerone de Giambattista Basile. Il souhaitait pour son film un casting international et une mise en scène flamboyante, seulement contrebalancée par un second degré savoureux et léger. Il désirait surprendre constamment le spectateur et raviver en permanence son attention. Matteo Garrone, car c'était lui, se concentra alors sur quelques-unes des histoires du recueil de Basile qu'il mêla et entremêla à souhaits dans un récit tour à tour burlesque, terrible, picaresque et merveilleux.
Ici, les monstres de toutes formes se côtoyaient : marins, ailés, domestiques et même humains. Dévorés par la concupiscence, la jalousie, l'égoïsme ou l'instinct de survie, ils s'entredéchiraient de toutes leurs forces. Un spectacle plaisant et édifiant auquel Matteo Garrone avait apporté un soin esthétique tout particulier. Certaines scènes semblaient des tableaux, d'autres jouaient sur les contrastes de couleurs ou de luminosité. Une femme vêtue de noir dans une pièce entièrement blanche dévorant un cœur dégorgeant de sang. Un couple accroché à une falaise. Une couverture rouge sang au milieu d'une végétation luxuriante.
Le cinéaste ne s'était refusé ni lyrisme, ni effets spectaculaires. Assumant parfaitement les codes formels du conte, il s'était plu à convoquer des figures traditionnelles : la mère possessive avait un petit quelque chose de la méchante belle-mère de Blanche Neige. L'ogre rappelait celui du Petit Poucet. Il régnait tout au long du film un souffle épique presque inépuisable qui permettait de passer naturellement d'une intrigue à l'autre. L'atmosphère oscillait ainsi entre fantastique, féérique et onirisme, avec quelques accents horrifiques pour ajouter une touche de réalisme à l'ambiance si particulière des contes de notre enfance.
Tout en démesure, le film croquait avec humour les travers propres à l'être humain, proposant une variation sur des thèmes ancestraux comme l'obsession de la fertilité ou la jeunesse éternelle. Autant de désirs, poussés à l'extrême, qui trouvent aujourd'hui un écho dans la société. La plaidoirie du nécromancien qui rappelle que pour chaque chose que l'on désire, il faut être prêt à en sacrifier une autre, prend alors soudain un sens très concret.
Avec Le conte des contes, Matteo Garrone proposait ainsi au spectateur d'exaucer trois de ses vœux. D'abord, de le divertir, ce qui fut fait avec diligence. Ensuite, de lui offrir un grand moment formel, fourmillant de trouvailles visuelles et d'élans baroques, accompagnés d'une musique aux accents grandioses. Vœu exaucé avec ardeur, parfois même avec une certaine outrance. Enfin, de lui tendre un miroir grossissant pour lui montrer ses propres excès. Peut-être est-ce là que le réalisateur faillit échouer. Sa précipitation à conclure le
récit, par exemple, laissait le spectateur sur sa faim en plus d'installer une certaine confusion sur l'issue de certaines intrigues. Certains symboles, trop ténus, risquaient de lui échapper. La grande liberté de la narration finissait par jouer contre la perception du double sens derrière les rebondissements et péripéties.
Quoi qu'il en soit, une bonne fée s'est immanquablement penchée sur le berceau de ce réalisateur ambitieux et surprenant, lui permettant de signer à son tour un conte joyeux et monumental qui laisse une sensation d'inventivité et d'audace formelle. Alors, pas sûr qu'à la fin, les héros se marièrent et eurent beaucoup d'enfants, mais beaucoup de nouveaux films nous suffiraient.
MpM
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