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Lost River
Certain Regard
USA / sortie le 08.04.2015
AMERICAN HORROR STORY
�- Je ne sais pas ce que je fais.�
Pour son premier long métrage, Ryan Gosling propose un conte horrifique sur fond de déclin de la civilisation, pour ne pas dire décadence.
Dans Lost River, ce qui frappe au premier plan c’est l’ambiance de fin du monde. Les maisons sont délabrées, la ville comme abandonnée. La zone fantôme est pourtant peuplée de monstres. C’est une jungle o� les lampadaires n’ont rien � éclairer. Car la nature reprend ses droits, avec des rats et des hautes herbes. Prêt � tout, l’homme suit le même chemin : il revient � l’état de barbare, il pille, il vit de petits jobs pour survivre. Tout est sauvage. La crise économique et financière a laiss� un paysage foudroy� par une guerre. Les crédits explosent, les expulsions se multiplient : il faut partir. Le bonheur, c’était avant. Aujourd’hui, il n’y a aucune solution, � part vendre son corps ou des métaux volés. Le banquier est � moiti� sourd, tout un symbole.
Au milieu de ce chaos, un jeune homme - joli, doux, sensible, un peu trop tendre � prime abord, bon fils qui plus est - va affronter un chef de gang (qui aime exhiber ses muscles). Difficile d’être heureux dans un monde brutal. Il va s’endurcir, s’émanciper (le meurtre du rat de sa copine va être un déclencheur et lui faire comprendre que le monde est cruel). On sait dès le départ que le prince vaillant va devoir terrasser le monstre et sortir sa mère des enfers.
Excès et sensations
Lost River a tous les défauts d’un premier film qui n’est pourtant pas rat�. Il lui manque un style propre, une cohérence dans sa tonalit�, un récit vertébr�. A trop remplir le vase, il finit par déborder. Certaines bonnes idées sont maladroitement amenées. Certaines séquences n’échappent pas � la facilit�. C’est trash, excessif, parfois inutilement. Le film en devient clinquant, se complaisant dans des provocations qui auraient pu être évitables. Ainsi, on navigue entre un cirque de freaks qui évoque les films de David Lynch, les errances urbaines (taxi compris) de Jim Jarmusch et le romantisme intime d’un Wim Wenders. Il y a pires références, certes.
Et il ne faudrait pas oublier l’onirisme dans ce paysage hant�, o� les monstres sous-marins et créatures humaines rendent l’atmosphère aussi inquiétante qu’étrange. Ici, la nostalgie et le rêve sont vite gâchés par le sentiment stressant que tout peut mal tourner. Les esprits sont dérangés, il n’y a pas de place pour les innocents et les rêveurs.
L’image est soignée, conférant � l’œuvre une esthétique séduisante. Les décors sont incroyables. Gosling manie un montage très découp�, avec des inserts ingénieux en guise d’ellipses ou pour souligner une sensation. Il sait créer la tension.
Scénario et musique
Le problème réside davantage dans le scénario. Les métaphores sont souvent trop appuyées. Comme cette cit� engloutie, vestige du pass�, qui sera la solution pour sauver le présent. Ou encore ce spectacle o� érotisme et hémoglobine font bon ménage pour le plus grand plaisir des nantis. On voit bien que Gosling use du même subterfuge - romantisme et violence � pour nous appâter et nous épater. Et si l’on craint pour le � héros �, c’est souvent grâce � des artifices classiques comme ce parallélisme entre trois séquences pour faire grimper le suspens. La pulsion est l�, car le film est nerveux, jamais ennuyeux, mais elle est fugace.
C’est la musique, essentielle, passionnante, qui sert de lien au film, tantôt pour faire monter la tension, tantôt pour épaissir le mystère, voire dicter nos émotions. Il s’agit bien d’un conte. Il faut faire cesser la malédiction de cette zone o� le rêve américain est devenu un cauchemar stylis�. Comme dans Godzilla, admir� sur le petit écran depuis sa plus tendre enfance, le jeune héros devra tuer les destructeurs. Il faut une morale, o� l’on se soucie peu des biens mais o� les souvenirs et la famille, par définition déménageables, sont sauvés. � On cherche tous une vie meilleure ailleurs, c’est comme ça. Peut-être qu’on ne la trouvera jamais �. Amère conclusion de déclassés désespérés.
Lost River se perd un peu entre sa morale, sa violence, son drame, ses horreurs. Entre film de genre et essai auteurisant, il se cherche aussi. Après tout, c’est un premier film. Si, finalement, il trouve son équilibre, vacillant, c’est sans doute parce qu’il est profondément classique tout en fantasmant une Amérique apocalyptique. La bonne famille américaine, comme dans les films de SF, s’en sortira alors que le monde s’est écroul� et leur bont� bafouée. On ne trouvera rien, ici, de subversif ou de novateur. Ryan Gosling préfère jouer les magiciens et nous illusionner avec un happy ending de rigueur. Malgr� ce côt� un peu toc, le spectateur est envoût� par l’image de ces no-go zones et la beaut� des personnages.
vincy
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