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It Follows
Semaine critique - Films en sélection
USA / sortie le 04.02.2015
CONTAGION
"C'est plus fort que moi."
Jay fait l'amour avec Hugh. Hugh transmet une malédiction à Jay. Jay se met à avoir d'étranges visions et a l'impression que quelque chose la suit. Et avec l'aide de ses amis, Jay tente de comprendre et de combattre son mal avant qu'il ne la tue. Avec un tel pitch, It Follows aurait pu se casser la gueule et faire grincer des dents. Mais il n'en est rien. Le nouveau film de David Robert Mitchell est une petite bombe qui va vous faire trembler ! Explications.
Flippant, bien flippant
Dès la séquence d'introduction, le réalisateur de The Myth (film injustement boudé par les distributeurs) nous met en condition : son histoire mettra en scène des jeunes pourchassés par un mal invisible dans la banlieue américaine. Avec un magnifique panoramique et ce tour complet, le réalisateur nous donne littéralement le tournis. Comme une manière de nous assurer que ce qui va suivre ne ressemble à rien de ce que nous avons déjà vu. Et c'est réussi.
Ce mal, ce monstre, cette chose tout droit sortie de l'esprit du réalisateur-scénariste terrasse et effraie les personnages et fait ressortir nos pires angoisses. Est-ce un croque-mitaine, un démon, un mauvais esprit, une MST, un virus ? C'est tout cela à la fois et d'autres choses encore. En évitant d'être trop précis, David Robert Mitchell crée ici un être protéiforme qui touche chaque spectateur, fait remonter à la surface les "monstres" qu'il a croisés dans sa vie et le confronte à ses propres peurs. Le film ne vire jamais dans le gore (malgré la violence et les effusions de sang) ou le cliché (malgré une héroïne blonde et vouée à mourir). Partant du principe que le monstre va les rattraper et remonter la lignée de ces personnes qui se sont transmises le virus, le réalisateur ajoute une pierre à l'édifice de la faucheuse. Elle est partout, bien déterminée et ne s'arrêtera jamais. A moins qu'on ne lui donne un autre os à ronger?
En s'entourant de jeunes acteurs peu connus mais non moins talentueux, David Robert Mitchell apporte un nouveau souffle à un genre gangrené par les suites insipides. Pendant 1h40, le réalisateur nous fait peur, joue avec nos émotions et s'amuse à nous faire sursauter quand on ne devrait pas. Il nous plonge dans un climat indescriptible car unique et seulement intelligible par l'expérience. En d'autres termes, It Follows n'est pas un film d'horreur à voir mais bien une expérience complète qui se vit, qui se ressent.
Onirisme adulescent
Si les personnages principaux sont des adolescents, ce n'est pas pour rien. Ce n'est pas pour coller aux règles d'un slasher ou d'une quelconque comédie horrifique mais bien pour illustrer un propos : la découverte et la monstruosité du corps humain. Pas de cadavre ou de corps en décomposition dans It Follows mais des adolescents bien vivants et luttant contre une mort annoncée et féroce. Peu s'en faut, l'effet domino et le "rite de passage" font penser à une MST, une maladie que l'on attrape de manière banale et qui rend le temps restant précieux.
Le film traite le thème de la sexualité d'une manière particulière, atypique voire incroyable. Visuellement incomparable et difficilement classable, It Follows mise tout sur les angoisses liées à la découverte de la sexualité, de sa propre sexualité. Les personnages ont les hormones qui les travaillent et des idées pleins la tête. Et par-dessus tout, ils tiennent les uns aux autres, sont enchaînés les uns aux autres. La bande son traduit parfaitement cela. On y trouve pas mal d'électro oui, mais surtout de l'intensité. Les compositions de Disasterpeace donnent le sentiment de partir en orbite à mesure que la menace se rapproche, de devoir compter les secondes avant la fin. Quant à ces plans en point de vue interne, ils axent tout le propos du film et nous le font l'aimer davantage. Avec It Follows, il n'est pas juste question d'une histoire d'ados, mais également de la représentation de la peur humaine, en particulier au moment où l'on tend à devenir un adulte.
Hybridité logique
Sans que l'on s'y attende, le teen movie et le film d'horreur se donnent magnifiquement bien la réplique dans It Follows, l'un ne supplantant jamais l'autre. En totale osmose, les deux se confondent, créant un récit unique, servi par un casting incroyable, en particulier l'actrice principale, Maika Monroe, et le jeune Keir Gilchrist qui incarne Paul, l'amoureux transi. Tous les deux sont touchants, performants et surtout très crédibles. Suffisamment pour qu'il faille le souligner. Car dans cette histoire qui part dans tous les sens, eux ne perdent jamais le fil mais s'abandonnent complètement au service du récit. Brillants !
Si David Robert Mitchell aime à montrer son cadre et l'ampleur de ses décors à travers des panoramiques et des travellings impressionnants, les gros plans sont d'une utilité effarante. Les détails montrés sont significatifs, les effets spéciaux sont utilisés avec parcimonie et les deux accentuent l'oppression liée à la mort. En oscillant constamment entre réalisme bluffant et onirisme total, It Follows est le point d'orgue d'une idée super cool : métaphoriser toutes les angoisses humaines avec un monstre qui peut être n'importe qui, n'importe quoi. Si certains y verront du Stephen King ou David Lynch, nous nous y voyons beaucoup de Sofia Coppola dans la peinture réussie d'une adolescence sans but.
Si la forme de It Follows est magnifique, le fond n'en est pas moins pertinent. En forme de légende urbaine, le monstre du second film de David Robert Mitchell fait frissonner et réfléchir, sur la sexualité, la vie, la mort et la sensation de s'abandonner. En ce début d'année, It Follows est donc incontournable. Sans doute parce que l'on n'avait pas eu aussi peur devant un film d'horreur depuis La Cabane dans les bois et Conjuring. Pas étonnant donc que le film ait remporté le Grand Prix au dernier Festival du Film Fantastique de Gérardmer !
wyzman
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