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Juillet de sang (Cold in July)
Quinzaine des réalisateurs - Compétition
USA
AVENGERS
"- On va servir d'appât ?
-En quelque sorte, oui."
Devant la caméra inspirée de Jim Mickle, l'adaptation du roman Juillet de sang de Joe R. Lansdale prend des airs de challenge cinématographique doublé d'un exercice de style virtuose. Il y a en effet dans cette intrigue de polar débridée et irrésistible un mélange des genres si réjouissant que l'articulation entre les différentes dimensions du film constitue à elle-seule un morceau de bravoure.
L'histoire commence avec une situation classique de thriller : une maison plongée dans l'obscurité, un plancher qui craque, une présence inquiétante... Jim Mickle ménage ses effets et donne au spectateur ce qu'il attend : de la tension, du suspense, et de l'efficacité. Puis, à peine la démonstration faite, il brouille les pistes en orientant le film d'abord vers une réflexion sur l'auto-défense, puis vers une histoire de vengeance, et enfin vers un thriller paranoïaque. Et tout cela seulement dans la première partie du film, qui ménage encore d'autres surprises, entre ruptures de ton et faux semblants, avec notamment une propension certaine pour la comédie.
On est immédiatement conquis par ce mélange des genres détonnant et jubilatoire, d'autant qu'il s'accompagne d'un regard truculent sur une Amérique savamment surannée qui semble se moquer d'elle-même. Complètement au service de leurs personnages, les trois acteurs principaux s'en donnent à cœur joie dans le second degré : Michael C. Hall à contre-emploi en petit commerçant timoré, Don Johnson en incarnation de la "coolitude" absolue, Sam Shepard en cow-boy moderne. Ils offrent indéniablement au film ses plus beaux moments, non pas spectaculaires, mais purement verbaux, avec des répliques hilarantes et cinglantes souvent prononcées d'un ton gourmand.
Pour autant, la mise en scène de Jim Mickle est très loin d'être en reste. On est bouche bée devant certaines séquences ultra découpées, à l'esthétique stylisée (éclairages au néon, gros plans, musique lancinante…), qui évoquent une synthèse du meilleur du cinéma d’action des années 80 et des polars asiatiques contemporains. C’est nerveux, précis, élégant, maîtrisé… mais aussi drôle et jubilatoire. La violence, loin d’être édulcorée, explose en petites touches âpres, comme un contrepoint salutaire à la légèreté du ton, qui ferait oublier la gravité du propos.
Car ce que dénonce le film fait froid dans le dos : corruption d’une police plus soucieuse de protéger ses sources que de rendre la justice, émergence d’une nouvelle sorte de divertissement cruel consistant à regarder des meurtres en vidéo, inégalités dans la valeur accordée à la vie humaine selon qu’il s’agit d’un citoyen blanc et de sexe masculin ou d’une jeune femme clandestine et latino…Le portrait que Juillet de sang dresse de l’Amérique moderne (Jim Mickle a situé le film dans les années 80 pour ne pas avoir l’air de prendre parti dans le débat actuel sur le port d’armes, que l’intrigue semble justifier jusqu’à un certain point) est tout simplement terrifiant.
Métaphoriquement, le film va même plus loin en mettant le doigt sur l’incapacité des aînés à transmettre leurs valeurs aux plus jeunes et sur le fossé moral entre les générations : alors que les deux personnages interprétés par Don Johnson et Sam Shepard obéissent à un code d’honneur strict, leurs héritiers ont en effet abandonné toute notion d’éthique et même d’humanité.
Fidèle à ses préoccupations (la question était déjà au centre de We are what we are), le cinéaste poursuit également son étude sur les racines du mal : est-il en nous dès la naissance, ou dépend-il de notre vécu ? Est-on responsable de la monstruosité de ses enfants ? Evidemment, il se garde bien de donner des réponses. Mais la séquence finale montrant les retrouvailles d’un père et de son fils est de loin la plus terrible scène d’amour filial que l’on ait eu l’occasion de voir au cinéma. Chez Jim Mickle, la cellule familiale n’est décidément jamais un havre de paix protégé des horreurs du monde, mais plutôt le lieu où elles prennent toute leur mesure.
MpM
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