39-98 | 99 | 00 | 01 | 02 | 03 | 04 | 05 | 06 | 07 | 08 | 09 | 10 | 11 | 12 | 13 | 14 | 15 | 16 | 17 | 18 | 19


 
 
Choix du public :  
 
Nombre de votes : 29
 












 
Partager    twitter



festival-cannes.com
l affaire Le Roux (wikipedia)
site internet du film

 

L'homme qu'on aimait trop

Sélection officielle - Hors compétition
France


LIAISON FATALE





"Vous n'êtes pas du tout mon genre. Les filles sportives, cela ne m'a jamais fait rêver."

C'est l'histoire d'une emprise. Celle d'un homme sur deux femmes, qu'il conduit à leur perte. C'est en tout cas ainsi qu'André Téchiné a choisi de raconter le fait divers réel autour de la disparition inexpliquée d'Agnès Le Roux, dont les répercussions courent jusqu'à aujourd'hui. Une tragédie contemporaine, dont on connaît la fin, et qui se présente presque comme un réquisitoire à charge contre Maurice Agnelet, l'amant d'Agnès, qui a été jugé plusieurs fois pour le meurtre de la jeune femme, et a été condamné début 2014. Pas étonnant, puisque le cinéaste s'est inspiré des mémoires de deux des protagonistes de l'affaire : Renée Le Roux (mère d'Agnès) et Jean-Charles Le Roux (son frère).

Très visiblement fasciné par le personnage d'Agnès Le Roux, André Téchiné resserre l'intrigue autour du trio qu'elle formait avec sa mère et son amant, quitte à prendre pas mal de libertés avec la vérité historique. Ce qui l'intéresse, c'est d'observer comment les rapports de force évoluent peu à peu entre les personnages, et comment Maurice Agnelet assure peu à peu son emprise sur la mère puis, quand elle lui résiste, sur la fille. Le film décrit aussi très clairement la façon dont le destin d'Agnès, Renée et Maurice sont étroitement liés : la jeune femme parce qu'elle en est vraisemblablement morte, la mère qui consacre le reste de sa vie à faire éclater la vérité, l'amant qui ne peut rompre définitivement avec les deux femmes, d'abord poursuivi par la première, puis pourchassé par la seconde.

Le cinéaste pioche ainsi dans tous les éléments réels à sa disposition (notamment le contexte financier, qu'il adapte à son propos) pour réaliser ce qui ressemble plus à une évocation elliptique qu'à un biopic. Très découpé, ne laissant jamais le temps aux scènes de s'installer, L'homme qu'on aimait trop est un objet froid à la limite de l'abstraction qui manque singulièrement de chair. On ne ressent face à l'intrigue ni la passion amoureuse, ni la soif de pouvoir, ni aucune des émotions qui semblent pourtant habiter les personnages, et expliquer leur destin.

Heureusement,le réalisateur mise tout sur ses acteurs, qui tiennent le film de bout en bout : Deneuve piquante et débordant d'énergie ; Canet dur, froid et autoritaire ; Haenel vive et caustique, avec une drôle de diction précipitée qui trahit le manque de confiance en elle du personnage. Cette galerie de portraits, même déconnectée du fait divers réel, a quelque chose de très cinématographique, de presque savoureux. Dommage qu'elle soit au service d'un objet cinématographique quasiment exsangue. André Téchiné a le même défaut que ses personnages : il les aime trop, au détriment de tout le reste.

MpM



(c) ECRAN NOIR 1996-2024