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Les chevaux de Dieu
Certain Regard
/ sortie le 20.02.2013
LE PACTE DES FOUS
"Et arrête de te raser, tu te prends pour une femme?"
Le Maroc de Nabil Ayouch est très loin de celui des cartes postales. Bidonvilles o� des gamins fouillent dans des décharges, vivent de systèmes D, capables de se battre jusqu’au sang, jouent au foot, s’insultent avec des invectives homophobes. Gosses déj� adultes dans les environs de Casablanca. Cette graine de violence, qui s’épanouit dans la misère, ne peut conduire qu’à la case prison� En retraçant les itinéraires de � martyrs � (comprendre de kamikazes agissant au nom de Dieu), Ayouch tente une approche romanesque pour comprendre comment l’on devient une bombe humaine quand on est jeunes, beaux, et qu’on a la vie devant soi�
Si loin si proche de la Médina, du centre-ville en pleine croissance, ces jeunes sont désoeuvrés. C’est sans aucun doute l� que le point de vue du cinéaste fonctionne le mieux � l’image. Drame de la misère. Le regard est également assez juste quand il se porte sur les rapports entre frères, entre clans, avec les codes et les règles qui les gouvernent. Mais le scénario s’étire et la caméra se relâche au fil de ce parcours fatal. Plutôt que de densifier son récit et de donner de l’intensit� � cette tragédie, il laisse son film entremêler une histoire de frères (de sang) et de Frères (de foi). Rapidement il perd le fil. L’aspect document� et passionnant qui nous permet de comprendre les méthodes d’embrigadement et d’enrôlement de jeunes qui n’ont rien � perdre, pas même la vie, est détourn� par un viol aux conséquences tragiques.
Certes, le découpage est rythm�. Le portrait de la religion est franc : sodomie, meurtre, alcool� Mais le grand écart entre un néo-réalisme juste et un mélo gay flirtant avec les clichés nous perd. C’est audacieux, gonfl�, intéressant. Mais � vouloir mélanger deux films en un, Ayouch ne parvient pas � équilibrer la méthodique construction de jihadistes et la romantique affection de deux amis.
Reste la faiblesse humaine qui ouvre une faille béante pour se laisser manipuler, pour se perdre. Dix ans o� l’on voit le Maroc évoluer, o� la police change de cibles, les fanatiques remplaçant les voyous. Les chevaux de Dieu se heurteront aux portes du Paradis. Et le film se fracasse contre son impossibilit� � choisir entre deux fins, deux destins. Le temps se ralentit. La chair amoureuse fait place � la chair � explosifs. Les illusions � celle d’une vie meilleure ou celle d’entrer dans l’Histoire - disparaissent, y compris pour le spectateur, forcément révolt�, mais tout aussi manipul� que ces jeunes désemparés.
La tension finale nous rattrape finalement. Mais, comme pour ces � martyrs �, nous regrettons tant d’erreurs, de détours. Ayouch aura eu le mérite de ne pas filmer la monstruosit� des actes sous l’angle uniquement idéologique. Mais il aurait sans doute gagn� � donner un point de vue plus moral, laissant ses héros vivre une vie plus cinématographique que réaliste. Il aurait du laisser son film s’épanouir loin de l’Histoire et le laisser s’émanciper dans son histoire. Les chevaux de Dieu aurait gagn� en émotions plutôt que de nous laisser avec ce sentiment de rage, froide, qui ne permet pas de tirer une quelconque leçon. On en revient au péch� originel du scénario dans lequel s’enlise le film : choisir entre deux serments (l’amour ou la foi) pour que le sermon soit limpide et que l’acte terrible programm� ne se reproduise plus.
vincy
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