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L'Apollonide, Souvenirs de la maison close
Sélection officielle - Compétition
France / sortie le 21.09.2011
FEMMES DÉCHIRÉES
«- Parle moi Japonais.»
Ce n’est pas un film à mettre devant tous les yeux. D’abord parce qu’il y a une séquence assez insoutenable, qui se répète sous différents angles pour ponctuer le film, ou le hanter. Ensuite, parce qu’il peut laisser indifférent ceux qui ne se laisseront pas envoûter par une œuvre ultra-esthétique qui déjoue les conventions narratives. On se laissera happer, ou au contraire on restera à la porte de cette Maison close d’un autre temps.
Bertrand Bonello nous emporte dans un tourbillon sensuel et voluptueux de deux heures. Son découpage y est pour beaucoup, tant le scénario n’est qu’une simple chronique très minutieusement reconstituée. Quasi à huis-clos, il nous embarque dans ce dédale magnifique, univers de femmes dédiée aux hommes. Il les suit d’une pièce à l’autre, d’un couloir à un escalier sans jamais nous perdre. Le film est brillamment construit, répétant une séquence pour nous emmener finalement ailleurs. Dès le générique, avec sa musique rock et ses photos contemporaines, Bonello nous fait la promesse d’une œuvre baroque.
Il installe avec subtilité chacun des personnages. Et ouvre le film avec un drame atroce et sanglant dont on ne connaîtra l’épilogue qu’au fil du film.
L’Apollonide n’est pas là pour juger du métier de la prostitution, même si les dernières images laissent une interrogation : faut-il mieux des Maisons closes bien tenues que de vendre du sexe dans la rue ? cependant, l’évolution du plus vieux métier du monde est bien le cœur du film puisqu’il décrit la déliquescence de ce lieu : une femme défigurée, la maladie, les départs, une grossesse, la faillite, la drogue, tout se décompose progressivement.
Il dénude le film d’une intrigue spécifique, préférant multiplier des tableaux pour assembler son puzzle. Grâce à sa troupe d’actrices, toutes charismatiques et délicieuses, il nous plonge dans un ravissement qui contraste avec l’atmosphère sordide du métier. La vitalité qu’elles dégagent annulent presque l’horreur de leur contexte. Plus que cette horreur, c’est le danger qui n’est jamais loin.
L’érotisme est filmé comme une succession de fantasme, avec d’une pudeur qui peut paraître distante. Le cinéaste se sert à merveille de ses décors ou du cadre de l’écran pour multiplier les angles et accélérer le rythme de son film. Après tout, cette Maison a plusieurs vies.
L’Apollonide est donc un film délicat. Et la tristesse, bordel ? Elle nous envoûte. Mais nous ennuie aussi, s’étirant vers un final vengeur et suggéré. L’idée de sourire ne nous effleure plus, mais l’on reste un peu ému. Pas totalement, au contraire de Tournée.
Le réalisateur, trop perfectionniste, empêche sa création de se libérer de ses corsets, qui, par conséquent, commence un peu trop à s’essouffler lors de la dernière journée de cette Maison close qui doit fermer.
Il faudra attendre que l’onirisme fusionne avec le réalisme, que l’irréel imaginé rencontre le réel documenté pour que ces Souvenirs nous habitent. Les larmes de sperme offrent alors un pur moment cinématographique.
Avec un scénario reliant davantage ces femmes et leurs clients autrement que par le temps qui s’écoule, l’œuvre aurait pu nous ébahir. Cependant, trop attaché à cet univers secret et sa routine, Bonello a préféré dépeindre la mort que montrer la vie, la puissance séductrice de l’image à la force de l’émotion.
vincy
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