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Sleeping Beauty
Sélection officielle - Compétition
/ sortie le 16.11.2011
BELLE DE NUIT
« - On se demandait qui allait te sauter.
- Vraiment ? Tire à pile ou face. »
Il est toujours délicat de présenter un premier film en compétition. Difficile, en effet, de demander à une « jeune » cinéaste la maîtrise d’un art que la plupart de ses confrères pratique depuis plus de 15 ans… Mais il est arrivé que des premiers films nous épatent : rappelez-vous Sexe, mensonges et vidéo de Stephen Soderbergh.
Julia Leigh, écrivaine à l’origine, reprend d’ailleurs les trois composantes du titre de Soderbergh. Il y a bien du sexe, des mensonges et une vidéo. Mais elle s’aventure plutôt en territoire bunuelien, entre obscur objet de désir et prostituée consentante découvrant sa personnalité à travers le fantasmes des autres, comme Belle de jour.
La réalisatrice nous prouve d’emblée son envie de cinéma en créant une œuvre stylisée, épurée parfois, à l’atmosphère intrigante et même inquiétante. Les décors sont soignés, les costumes et coiffures sont précisément étudiés. Les gestes sont minutieusement écrits. Le formalisme de Sleeping Beauty est encore plus accentué par son cadre très photographique et les mouvements de caméras tantôt agités par la vivacité du personnage, tantôt immobiles dès qu’on est dans l’ordre du fantasme.
Hélas, la cinéaste s’engouffre dans la faille de sa complaisance esthétique et oublie de donner du corps à son scénario. Face aux manques de repères de cette jeune étudiante prête à commercialiser son corps, comme elle peut être serveuse, cobaye médicale, employée chargée des photocopies, le spectateur est rapidement perdu. La jeune femme a beau dormir en pleine lumière, ses intentions restent obscures. Certes l’argent est un motif. Le consumérisme est un poison. Mais pourquoi est-elle ouverte à l’abandon total de soi, quitte à atteindre un point de non retour, pour assouvir les fantasmes de vieux messieurs impuissants ? La décadence qui est si bien illustrée par l’élégance visuelle, cette fin d’un civilisation présente à chaque plan, ne trouve pas son équilibre avec l’itinéraire érotique (et pas initiatique) de cette demoiselle qui se défend d’avoir un honneur. « Mon vagin est lin d’être un temple ».
Julia Leigh livre les fantasmes d’une jeune femme sans jamais nous en donner les clefs pour en comprendre le sens. Inaboutie, l’œuvre méritait d’explorer son inconscient ou ses tourments. Fantasme du couple, fantasmes sexuels, fantasme de la mort, peu importe tous ceux qu’elle aborde, nous sommes perplexes face à l’absence d’explications ou même d’indications.
Ce flou scénaristique et cette forme hypnotique anesthésie le spectateur, à la fois fasciné et exaspéré. Entre la réalité, sordide, déshumanisée, avec tous ces mâles refoulés, pathétiques qui débandent, cette puissance masculine mise à mal, et les contes érotiques de cette fille petite, tenace, déterminée à s’en sortir, donne à l’œuvre un sentiment indéfinissable. On reconnaît que la plasticité émeut sans jamais être vulgaire. Mais les monologues inutilement longs et la construction bancale du scénario gâche le plaisir que le film aurait pu, du nous procurer.
Le pire est évité : le film ne nous endort pas. La passion des images l’emporte sur la déception de l’écriture. Voir ces hommes la caresser, la lécher avec dévoration, la porter avec fragilité nous bouscule. Mais il aurait fallu que cette fille à la peau douce qui revient d’entre les morts pousse autre chose au final qu’un cri animal, peu crédible car on n’en connaîtra jamais l’origine, signifiant sans doute une colère contenue, sans doute une peur inconnue, pour nous bouleverser. Sleeping Beauty est trop froid pour nous chauffer les sens.
vincy
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