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Minuit à Paris (Midnight in Paris)
Sélection officielle - Ouverture
USA / sortie le 11.05.2011
PARIS JE T'AIME
" Tu veux vraiment renoncer à ce que tu as pour t'échiner à rien ?"
Et si l'on arrêtait de regarder dans le rétroviseur ? C'est en substance le message, ferme mais optimiste, de ce Minuit à Paris en forme de conte de fées. Pour son premier film tourné à Paris, Woody Allen imagine en effet une ville où tout est possible, y compris vivre son fantasme le plus cher. Il fait ainsi à la capitale française une véritable déclaration d'amour, dressant symboliquement la liste de tout ce qui la rend précieuse et unique. A commencer par ses monuments, qui défilent en séquence d'ouverture sur une ritournelle jazzy, façon cartes postales kitsch. Comme un clin d’œil au début de Manhattan, l'un de ses films les plus emblématiques. Par la voix de son héros, le jeune écrivain Gil Pender (double du Woody Allen du passé, incarné avec énormément de finesse et de sincérité par Owen Wilson), il vante également la vie de bohème, les trottoirs mouillés de la ville et son extraordinaire passé culturel et artistique.
[attention, spoiler]
Le héros, justement, vit dans la nostalgie de ce passé qui n'est plus. Pour lui, l'âge d'or se situe dans le Paris des années 20, auprès d'Ernest Hemingway ou de Pablo Picasso. Et puisque l'on est à Paris et que tout est possible, le voilà tout à coup propulsé dans ce passé merveilleux. Il se met à côtoyer ses idoles et s'éloigne de plus en plus de sa vie réelle. Il faut dire que celle-ci n'a rien de très excitant : dans sa luxueuse chambre d'hôtel, il se chamaille avec sa fiancée (Rachel Mc Adams, merveilleusement odieuse) qui ne pense
qu'au beau et chic mariage qu'ils vont faire, et se désintéresse de Paris. Leurs points de vue sur le monde semblent si diamétralement opposés qu'ils sont les seuls à ne pas voir qu'ils n'ont rien en commun. Woody allen en profite pour glisser quelques réflexions peu amènes envers les "Tea partys" américains, le matérialisme et la pédanterie.
Il profite surtout de ce jeu temporel (allers et retours entre passé et présent) pour porter sur notre époque un regard à la fois critique et plein d'espoir qui s'avère extrêmement vif et drôle. Preuve que le cinéaste n'a rien perdu de son talent de scénariste, les différentes "rencontres" de Gil avec les plus grands artistes du passé permettent un savoureux jeu de références. Il y a également un plaisir quasi jouissif à croiser tant de personnages célèbres, croqués en une scène ou deux tels qu'on se les représente traditionnellement. Parmi ces fantômes merveilleux, le plus impressionnant est Ernest Hemingway, fort en aphorismes virils. Marion Cotillard est plus décevante dans son rôle d'égérie des années folles. Elle apparaît éthérée et absente, le même petit sourire bienveillant perpétuellement planté sur le visage.
Toutefois, plus se multiplient les incursions de Gil dans le passé, dans le but d'oublier la vacuité de son existence actuelle, plus ces épisodes fantasmagoriques le ramènent justement à sa vie réelle. Il en retire un enseignement capital, son but en tant qu'écrivain : trouver une antidote à ce vide existentiel. Il
comprend que pour vaincre la peur de la mort, il faut accepter de regarder sa propre vie en face. Et surtout il réalise que chaque époque semble un âge d'or aux yeux des autres, et que la nostalgie qui l'anime lui permet uniquement de trouver des excuses pour ne pas prendre son destin en mains.
En mettant son alter ego face à cette prise de conscience, Woody Allen fait bien plus que donner un conseil à ses spectateurs. Il prouve que le culte du passé, dans la vie personnelle comme en politique, est un leurre qui ne mène nulle part. Il refuse la facilité de trouver que "c'était mieux avant" et place chacun face à ses contradictions : pourquoi ne pas cesser de gémir, et faire en sorte que ce soit mieux maintenant ?
Facétieux, rêveur, et plus amoureux de Paris que jamais, Woody Allen donne avec Minuit à Paris une leçon universelle de vie. On sent derrière son discours une fermeté inhabituelle chez lui, comme pour bien signifier qu'il est temps de redevenir censé. De se séparer de ceux qui nous font du mal, et de rechercher ce qui nous rend vraiment heureux. Au milieu du film, on aperçoit une figurante nommée Carla Bruni (deux scènes minuscules et sans intérêt) dont on espère qu'elle tentera de faire passer le message à son président de mari.
Mais le véritable exploit de Woody Allen, en ces temps troublés et difficiles où une vision nauséabonde du monde tente de s'imposer aux plus hauts sommets de l'état, est d'avoir
presque réussi à nous rendre à nouveau heureux et fiers de vivre en France, le pays où tout est possible.
MpM
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