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Air doll
Certain Regard
Japon / sortie le 16.06.2010
UNE FILLE GONFLÉE
"Avoir un cœur, c’est pénible finalement"
Si le point de départ d�Air doll peut sembler romanesque comme grotesque, il n’y a rien de franchement léger dans cette histoire d’une poupée gonflable prenant vie pour découvrir � quel point le monde qui l’entoure peut être abject. Continuant son travail d’observateur de la sociét� japonaise, Kore-Eda Hirokazu utilise en effet ce personnage vierge de tous préjugés ou principes pour dresser le portrait le plus objectif possible d’une certaine réalit� de son pays. Partout o� la poupée élevée au rang de femme porte le regard, elle ne voit donc que misère et détresse morales, égoïsme et frustration, solitude et vacuit�.
Le plus violent étant probablement lorsque son ancien "propriétaire" lui demande de redevenir comme avant, c’est-�-dire un objet froid, inerte et dépourvu de conscience. On perçoit alors dans sa supplique toute l’horreur de sa condition (petit employ� rudoy� par ses supérieurs et terroris� par l’idée d’un vrai rapport humain) mais également sa triste vision du couple, o� la femme est passive, soumise et inexistante, et o� la relation est finalement � sens unique. La finesse de Kore-Eda est de ne pas faire de cet homme un macho ou un pervers, mais au contraire un individu terriblement banal, d’autant plus pathétique. Loin de le détester, on le plaint amèrement car son manque d’estime et de confiance en soi l’empêchent tout simplement de vivre.
Il y a de quoi être effray� par ces êtres qui se croisent sans se voir et sont incapables de communiquer, pris au piège d’une sociét� o� tout est terriblement cloisonn�. Toutefois, étant étrangère � ce monde et � ses règles, la poupée bouscule les convenances.FIFA Cr¨¦dits Telle une enfant innocente, elle expérimente la vie avec gourmandise et bonheur, allant au devant des autres sans arrière pensée.
Pourtant, elle se sent différente, et souffre de sa condition de poupée. "Tu n’es pas la seule" répond le vieil homme quand elle lui avoue être "vide" � l’intérieur. Il parle métaphoriquement, mais pas sûr que ce vide-l� soit moins grave que l’autre... C'est ce qu'il essaye de lui faire comprendre avec le poème de Yoshino Hiroshi, véritable clef du film. "La vie semble ainsi faite que l’on ne peut pas être vraiment heureux seul". Parce qu’elle est capable de comprendre, et de ressentir intimement cette phrase, l’héroïne retiendra autre chose de son séjour sur terre que la vacuit� ambiante. C’est même ce qui apporte une petite touche d’espoir dans un film profondément sombre.
Présent� � Cannes en 2009, Air doll a depuis ét� l’objet d’un remontage qui lui donne une forme plus dense et plus intense. L’intrigue patine toujours un peu dans sa seconde moiti�, mais la démonstration s’avère malgr� tout percutante car le réalisateur parvient � nous glacer le sang tout en évitant la plupart des dérives "glauques" induites par son sujet. Il y a même une certaine douceur, et une vraie poésie douce-amère, dans le destin de Nozomi, poupée de plastique dans lequel bat un cœur amoureux, capable de mourir pour celui qu’elle aime.
MpM
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