39-98 | 99 | 00 | 01 | 02 | 03 | 04 | 05 | 06 | 07 | 08 | 09 | 10 | 11 | 12 | 13 | 14 | 15 | 16 | 17 | 18 | 19


 
 
Choix du public :  
 
Nombre de votes : 22
 












 
Partager    twitter



festival-cannes.com
site internet du film
Actualités autour de Inglourious Basterds

 

Inglourious Basterds

Sélection officielle - Compétition
USA / sortie le 19.08.2009


PULPEUSE FICTION





"Je crois que c’est mon chef d’œuvre"

Parce que Tarantino est Tarantino, recycleur de génie et réalisateur bourré d’audace, on n’est guère étonné de le voir revisiter un épisode aussi symbolique et connu que celui de la seconde guerre mondiale pour en faire une fable alternative mêlant intrigue de film d’espionnage, imagerie nazie et références au western. Alexandre Dumas père prétendait qu’il est autorisé de violer l’Histoire à condition de lui faire de beaux enfants, le cinéaste américain l’a pris au mot. Pour notre plus grand bonheur, serait-on tenté d’ajouter. Car même s’il ne s’agit pas du chef d’œuvre tant espéré (et revendiqué ?!), c’est un pur moment de cinéma qu’il nous offre.

"Tout homme sous mes ordres me doit 100 scalpes nazis."

Tout commence par un duel (verbal) entre un officier SS (Christoph Waltz, qui est LA révélation du film, d'ailleurs fort justement récompensé par un prix d'interprétation cannois) et un fermier qui héberge en secret une famille juive. L’Allemand prend son temps, parle avec distinction (on est loin du cliché habituel des nazis vociférant et menaçants) et se lance dans une comparaison habile entre rats et écureuils : comment se fait-il que les premiers nous dégoûtent quand les seconds nous émeuvent ? Une séquence purement tarantinienne, classiquement suivie par un petit massacre. Rien n’aurait-il changé au royaume de Tarantino ? Si : curieusement, les corps criblés de balle n’apparaissent pas à l’écran. Pour la première fois depuis longtemps, les dialogues semblent prendre le pas sur la violence, reléguant celle-ci hors champ, comme un élément nécessaire mais non essentiel. Plus que les images, ce sont les mots qui la véhiculent au travers de récits fantaisistes qui tiennent davantage du mythe que de la description réaliste.

"Qu’il déteste le surnom de bourreau me déconcerte."

Chaque chapitre se concentre ainsi sur l’un des aspects de l’intrigue et foisonne de personnages dont aucun ne peut vraiment être qualifié de "principal". Tarantino y voit plutôt l’occasion de nous régaler avec une galerie de portraits cocasses et décalés : l’Ours juif, Aldo l’apache, le chasseur de juifs, le héros de guerre. Parfois, un surnom ou une anecdote en disent plus qu’une longue étude psychologique… Inglourious basterds ne s’embarrasse d’ailleurs pas de ce genre de subtilité, dessinant à grands traits des archétypes sommaires, mais efficaces et bourrés de références à ses films antérieurs. Plusieurs "questions existentielles" rejoignent ainsi la définition du "Royal cheese" de Pulp fiction dans la liste des digressions-cultes. Certains personnages ont également beaucoup en commun, comme The bride dans Kill Bill et Shosanna qui cherche à venger la mort de sa famille ou Aldo et Jules Winnfield dans Pulp fiction, tous deux très attachés à leurs principes. Ces avatars sont juste moins flamboyants, plus en demi-teinte. Comme en phase avec un récit qui se veut certes fantaisiste, mais moins outrageusement délirant et spectaculaire que d’ordinaire, ce qui perturbera peut-être les fans du réalisateur. Pourtant, cela n'empêche pas le film d'être brillant, ni même de fourmiller de véritables performances d'acteurs, d'un Brad Pitt décidément en très grande forme (on adore sa manière de "gérer" le business de tueurs de nazis…) à une Mélanie Laurent sensuelle et vénéneuse qui réussit avec panache son passage dans la "cour des grands".

"Je suis française. Nous respectons les réalisateurs, même les allemands."

Plus que jamais, Quentin Tarantino affirme son amour du cinéma. Tout en continuant de recycler formellement l'héritage du passé, le réalisateur fait du 7e art la matière et le fond de son scénario. Pur plaisir de cinéphile qui croit en la force de sa passion, Inglourious basterds est en effet un conte de fées (qui commence par "Il était une fois") où le prince (noir) et la princesse (juive) sont des êtres jugés inférieurs (comme l'ont longtemps été les artistes) qui ont recours à la magie du cinéma pour tenter de sauver le monde. Au fond, qu’il s’agisse d’une allégorie sincère ou d’un pied de nez narquois importe peu. Car répondre à l’obscurantisme, à l’intolérance et à la bêtise par des films généreux, drôles et intelligents est un moyen comme un autre d’empêcher les êtres humains de s’exterminer les uns les autres. Même lorsque, comme ici, la démonstration ne manque pas de passer par deux ou trois déchaînements de violence… Ne pas se prendre au sérieux, jouer avec la morale et mettre le plaisir avant toute chose… pas de doute, Tarantino reste Tarantino !

MpM



(c) ECRAN NOIR 1996-2024