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Rumba
Semaine critique - Séances spéciales
Belgique
LA CATA RUMBA !
Après le succès international de L'iceberg en 2006, Fiona Gordon, Dominique Abel et Bruno Romy appuient le burlesque de leur univers avec un second long-métrage plus sombre encore et radical que le premier. Pour qui pense que les objets ont une âme et s’ingénient à tourmenter les humains ; pour qui s’est retrouvé au bord de la falaise poussé par les vents contraires de l’existence ; pour qui croit au pouvoir salvateur de l’humour noir et de la poésie, alors cette rumba qui tangue entre énergie et désespoir vous séduira.
En contrariant le désir d’un suicidaire - donc à partir d’une bonne action - Dominique perd la mémoire et Fiona laisse une jambe dans un accident de voiture. Petit à petit, leur monde s’effiloche à l’image de la séquence clef du film ou Dominique, par maladresse, s’accroche à un fil de laine de la robe de Fiona. Il finit par dénuder celle qui l’aime. Comme la Tristana de Luis Bunuel, la jeune femme se retrouve en sous-vêtements et avec une jambe de bois !
Le burlesque que revendique Rumba est d’esprit keatonien. Les protagonistes ont l’élasticité de leur corps pour seule arme face à l’hostilité du monde, aux quichenaudes du destin qui s’abattent sur eux sans répit. Ce n’est que lorsqu’ils dansent – donc plongés dans un rêve qui les protège de la réalité – que Dom et Fiona deviennent les rois du monde.
Cette lutte perpétuelle de survie est contrebalancée par la douceur d’une réalisation qui doit beaucoup à Jacques Tati. La distance proposée par la profondeur des champs et les différents cadres permettent aux corps des acteurs de remplir l’espace au plus juste de leurs émotions. Mille et une astuces de cinéma (nuit américaine, cache-contre-cache, rétro projection…) saupoudrent le film d’une naïveté qui intensifie son parti pris artisanal et accentuent le paradoxe maladresse-inadaptibilité / souplesse-instinct de conservation des personnages.
Fiona Gordon, Dominique Abel et Bruno Romy réussissent le tour de force et de grâce d’installer un monde codifié par la danse, stylisé par l’absence de dialogues sans jamais le rétrécir, le minimiser à l’exigence des règles qu’ils s’imposent. Espérons qu’ils appréhenderont dans l'avenir tous les genres du cinéma (le polar, le fantastique, l’horreur…) sans cesser d’explorer le thème vital qui les anime : la beauté du genre humain naissante et jaillissante de sa propre vulnérabilité.
Benoit
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