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Sicko

Sélection officielle - Hors compétition
USA


COUVERTURE MOORE UNIVERSELLE





«- Tu sais où ton papa va ?
- En Irak.
- Tu sais pourquoi ?
- Pour faire de la plomberie.
»

Yep. Sicko est une charge, une attaque, une guerre. Michael Moore ne fait pas plus dans la dentelle qu’auparavant. De son égotisme à ses illustrations parodiques (un peu moins présentes cette fois), il continue d’utiliser tous les moyens pour arriver à ses fins. C’est efficace, hilarant, et 100% garanti tire larmes à certains moments. En agressant le système de santé américain, le documentariste n’a qu’un but : prouver l’absurdité, l’incompétence, l’horreur d’un système quasiment privatisé.
Ca commence avec une bonne blague de son ami Bush. Hélas on en rirait plutôt jaune. Car Moore sait bien que c’est plutôt Nixon le premier coupable. Que la seule personne à avoir eu le cran de s’attaquer au problème, une certaine Hillary Clinton, jugée intelligente et sexy, a du rabattre son caquet. Le problème va au-delà des 50 millions de personnes sans assurances, des 18 000 qui en meurent annuellement. Le souci ce sont que les 250 millions d’assurés ne sont pas assurés (justement) de se voir rembourser leurs frais maladies. Le complot est machiavélique. Une sorte de tri sélectif qui commence par refuser les clients atteints de maladies (allant de l’angine au cancer). Puis, si le dossier est accepté malgré tout, le refus d’un soin ou d’un prélèvement par un directeur médical, empêchant les assurés de diagnostiquer ou guérir leur problème, devient l’option la plus courante. Un bon contrôleur médical n’est pas celui qui sauve des gens mais celui qui sauve l’argent (de son employeur). Enfin si le patient a été soigné et remboursé (miracle !), il y a une personne qui va chercher les failles dans le contrat pour que le patient lui retourne l’argent. Jusqu’à justifier l’impossibilité de payer une ambulance lors d’une urgence, puisqu’elle n’a pas été réservée et approuvée par la compagnie. Ces compagnies d’assurances ont monnayé le moindre bobo. Un calmant peut atteindre le prix de 213$ (mieux vaut un doigt de Cognac). Une phalange d’annulaire vaut 12 000 $ à recoudre.
Cynique ? Sinistre. La maladie est en effet traitée comme un dégât des eaux ou une catastrophe naturelle. L’Américain moyen est directement touché : les témoignages révèlent ainsi un couple ruiné, une femme ayant perdu son mari faute de soins, ou encore des héros du 11 septembre, des bénévoles, souffrant de maladies respiratoires qui ne sont pas prises en charge par le gouvernement. Si j’en crois Sicko, avec mon mètre soixante dix huit et mes 57 kilos je serai considéré en sous poids et donc non assurable. Voilà qui n’arriverait pas dans mon pays, le Canada, ni en France, ni en Grande Bretagne. Ces pays, pas franchement socialistes, sont montrés en exemples. Sans nuances et avec quelques partis pris frôlant l’erreur journalistique. Sur le fond, Moore n’a pas tort. Ces pays garantissent des soins pour tous. Des congés maladies à SOS médecins, des crèches aux médicaments génériques à coûts fixes, des médecins (bien) payés par le gouvernement à des structures modernes et égalitaires, le cinéaste se régale avec tous ces arguments, souvent fournis par des américains expatriés. « Même Madame Thatcher l’a dit : nous maintiendrons le système de santé. »
Certes, il ne parle pas des déficits de l’assurance maladie publique, de la crise hospitalière qui touche le personnel de santé, ni même des mutuelles complémentaires. Mais il a une bonne raison d’être élogieux sur cette sécurité sociale publique. Il ne veut démontrer qu’une seule chose : la philosophie même du principe de solidarité. La santé et le lien solidaire entre un peuple vont de pairs avec la démocratie. Les habitants de pays comme le Canada, la Grande Bretagne et la France vivent mieux et plus longtemps. Ils acceptent de payer pour les plus pauvres comme eux acceptent de ne pas avoir payer pour sauver un bras ou une vie. L’argent ne doit pas interférer dans une logique de problème médical. Moore pose l’équation : dette = asservissement = soumission au gouvernement. Un gouvernement lui-même lié aux lobbies pharmaceutiques et des compagnies d’assurances. Moore continue ainsi sa longue digression en faveur des services publics, des génies individuels et contre un libéralisme aveugle.
Le non-sens produit un final digne d’une comédie burlesque (si ce n’était pas si pathétique) où Moore emmène une grande partie de ses témoins à Guantanamo. Un lieu américain où la santé est publique et de bonne qualité, destinée… aux prisonniers. Impossible d’y entrer ? Qu’à cela ne tienne ! Cuba va devenir un paradis. Ca aurait pu être la Chine. Les hôpitaux modernes, le personnel qualifié, les médicaments peu onéreux vont révolter ces américains moyens. Un médicament qui vaut 120 $ va leur coûter 5 cents. Ils auront tous les traitements sur simple inscription et sans critères à satisfaire. Ils vont comprendre que la médecine n’est pas une affaire politique, mais un bien public. Que certains voudraient nous enlever. Moore a bien signé une charge, mais il s’agit aussi d’un signal d’alarme.

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