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Paris je t'aime
Certain Regard
France / projeté le 18.05.06
VILLE DE CES FRERES DE LUMIERES
�- J’ai vu la tombe de Jean-Paul Sartre et Simon Bolivar.�
Difficile de critiquer 18 films qui n’ont rien en commun hormis le décor (la ville de Paris). L’ensemble est plus qu’inégal et ce serait tout aussi injuste de ne voir ce travail collectif que son ambition globale. Classifions, déj�. Il y a ceux que l’on reconnaît d’entrée � leur style (Assayas, Payne, Natali, Van Sant�) ; ceux qui surprennent (Craven, Lagravanese, Chadha�) ; ceux qui déçoivent ou excellent.
Prenons ce critère de sélection, les mauvais et les bons. Podalydès (qui n’arrive toujours pas � dépasser le stade de la bonne idée), Natali (un Sin City vid� de sens), Suwa (qui dérape désastreusement sur la scène finale), Doyle (sans queue ni tête), Cuaron (sans intérêt avec ses faux semblants) sont � oublier : les comédiens ne sauvent jamais une écriture banale et fade, une intention mal maîtrisée.
D’autres ont une ambition artistique ou confortent leur style et gagnent un pari parfois audacieux. C’est le cas de Sylvain Chomet et de son histoire de mimes qui cartoonent un peu Paris, de Gurinder Chadha qui ose affronter l’affaire du voile � l’air libre (touchante romance), d’Isabel Coixet entre amour et mort, bistrot et march� et cette belle phrase : �� force de se comporter comme un homme amoureux il devint de nouveau amoureux� - jolie parabole de ce film � segments qui nous fait réapprécier Paris. Assayas filme les non dits comme jamais, les gestes les plus anodins comme les plus essentiels. Enfin Depardieu et Auburtin qui réunissent le duo d�Opening Night au bien nomm� Rostand (quel panache !) pour un beau pas de deux caustique, cynique, nostalgique.
Enfin il y a la crème. Première escale au Marais avec Gus Van Sant. Homoérotisme et peintures sanguines, monologue du bel Ulliel et silence séduisant du fascinant Eli. Station Tuileries (enfin on nous le fait croire), Buscemi sort la tête du tunnel sous le regard goguenard des Frères Coen. Hilarantes contradictions et oppositions rendant un voyage en métro burlesque. Moins drôle que les trajets, correspondances, couloirs, du voyage des HLM de Banlieues vers le cossu 16ème arrondissement. Thomas et Salles filme un transfert (de maman, de classe, de lieux) avec force mouvements pour nous faire passer de la surpopulation précaire � un univers bourgeois plein de sa vacuit�. Absences saisissantes. Schmitz rend Paris moins sûr que Lagos mais enfin métissée � grande envergure. Place des fêtes c’est le lieu d’un amour fatal. Très habile dans sa narration. Plus classique Pigalle par LaGravanese séduit avec son face � face Ardant / Hopkins, jeu de dupes, de comédiens dans le quartier des Romantiques. Le sexe peut-il réveiller un couple ? Inattendu, le Craven qui se demande si le mariage � venir n’est pas un enterrement � faire au Père Lachaise. Sous le signe d’Oscar Wilde, il évoque d’hilarants préliminaires � cette vie trop plannifiée, déj� mortelle. Point d’horreur, juste du rire.
Jusque l� nous aurons compris que Paris transforme les êtres, plus qu’elle ne les rend amoureux. Elle les change, � jamais. Série de rencontres, métissage ou étrangers, jeunes ou vieux, enfermés ou courants, bavards toujours, buvant souvent. Poignate ou drôle, cette vision variée et cosmopolite attire et intrigue. Malgr� les � intermezzo � carte postales manquant d’inspiration. Les femmes y sont actrices et les hommes souvent � la traîne de leurs jupons, dépassés par le moindre battement de cil.
Il restera alors une apothéose dans les quartiers les moins touristiques. Tykwer qui assemble Natalie Portman et un jeune aveugle Moderne, romanesque, parisien, universel, esthétique, lumineux, des mots jolis, un son envoûtant. Ultra moderne solitude et amours méritant l’absolution. Un côt� Klapish. Un regard aussi pétillant, morcel�, speed que Paris je t’aime.
Et la plus belle déclaration viendra de l’Américain Alexander Payne, immergeant une factrice quelconque venue de Denver, parlant un franglais atroce après deux années de cours intensifs, décalée (horaires, culture). Voix off désopilante, caméra toujours o� il faut : dans le quotidien. Nostalgie de ses chiens et prise de conscience du côt� minable de sa vie. Ce n’est pas elle qui trouvera l’amour dans la Ville Lumière. Difficile de décrire ce sentiment d’être étrangère et soudainement intime, Américaine mais amoureuse de Paris parce qu’elle s’y sent tout simplement bien, � manger son sandwich dans le Parc Montsouris. Comme tous ces films � d’immigrés �, le regard est différent et pourtant Paris est toujours la même : un décor romantique parfait o�, seul, � deux, peu importe, l’art de vivre et la douceur de vivre priment dans les rêves.
Petites romances de quartier, la conclusion se fait � travers ses visages qui se croisent, Binoche et Rowlands, Gazzara et Hopkins. Feu d’artifice pour un exercice de style peu naturel. Si Payne l’emporte c’est que dans le fond comme dans la forme, il est fidèle � la ville et reste l’étranger qu’il se sent être. Tout en lui disant (everyone says) I Love You.
v.
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