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La moustache (La moustache)
Quinzaine des réalisateurs - Compétition
France / sortie le 06.07.05
BONNE FATIGUE
- Tu remarques rien ?
- Si. Je remarque que t’es bizarre !
Le monde est fou ? Assurément. Pertes de self-control au rendez-vous pour un Vincent Lindon hilarant, proche de son personnage dans La crise. Dès les premières séquences, le comédien nous met dans le bain. Exquis ! Emmanuel Carrère brouille les pistes nous offrant une comédie de mœurs affinée à coups de hautes confusions psychologies. Derrière ce flou apparent, que de sérieuses thématiques : la mise en adéquation avec soi-même et, bien sûr, la quête de reconnaissance. Le couple est, naturellement, un microcosme propice aux variations d’humeur. Malaise, paranoïa, aplomb, inquiétudes, doutes, revirements : La moustache gambade d’un sentiment à l’autre avec une étonnante dextérité. Ludique à souhait ! Le rythme est joyeux, le propos subtil, l’ambiance à la fois légère et grave, nous faisant partager le quotidien de cet homme se cherchant invariablement aux travers du regard des autres.
Un personnage au bord de la crise de nerf obsédé par une moustache fantôme, négation de son entourage oblige. L'idée est subtile ; à la fois inventive et saugrenue. Revers de médaille : ici même l’aventure trouvera ses limites, usant de contrepoints et ambiguïtés à outrance. Errant à foison, Marc en arrive très vite à ne plus savoir quel chat fouetter. Un détour par Hong Kong palliera un temps à ses maux. Névroses doublement éminentes chez le personnage d’Agnès, sa femme, campée par une Emmanuelle Devos plutôt transparente, très conforme, à son protagoniste ; sans plus ni moins. Un couple en permanentes contradictions. Délires et irrationnelles pertes de mémoires en perspectives. Canular ? Complot ? Tour de force pour amener Marc à maturité ? Les questions s’enchaînent, les réponses se contredisent. Le balai est soutenu ; d'un point de vue global, allègrement cadencé. Des crescendo, allers et venues, flèches lancées ci et là qui permettent à Emmanuel Carrère de se démarquer concrètement, matérialisant à juste dose tous les flux psychologiques qui traversent son film. Questions de consciences prises, dans tous les sens du terme. Ambiances surréalistes au rendez-vous pour d’excellents comiques de situations ! Au final, un seul écueil : le film pâtira d’une pesante dramaturgie musicale, lourdement conçue, faite pour écraser les dialogues, les rendre ponctuellement imperceptibles, concertos pour violons à l’appui. Une méthode Godard maladroitement exploitée ; heureusement rare. A suivre : Emmanuel Carrère n’en restera sans doute pas là. En attendant, il nous offre un bon divertissement avec cette Moustache, fine chronique de l'absurde, genre rarement bien maîtrisé à l'écran. Insolite et prometteur.
Sabrina
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