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Production : 3B Productions, Arte France Cinéma, CRRAV, Studio National des Arts Contemporains Réalisation : Bruno Dumont Scénario : Bruno Dumont Montage : Guy Lecorne Photo : Yves Cape Distribution : Tadrart Films Son : Philippe Lec�ur Durée : 95 mn
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Adélaïde Leroux : Barbe
Jean-Marie Bruveart : Briche
Henri Cretel : Blondel
Samuel Boidin : Demester
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Flandres
Sélection officielle - Compétition
France / sortie le 30.08.06
Le sujet, par Bruno Dumont (scénariste réalisateur)
« Expliquer le processus qui fait qu’un film va se mettre en route reste un mystère. Si on me demande : pourquoi ? Comment ? Je ne peux pas répondre. Ce qui m’importe, c’est le fait de décrire une histoire avec des images et des sons. Le travail du réalisateur est proche de celui du peintre. Matisse écrivait que ce qui est important dans une toile ce n’est pas le sujet c’est la disposition des choses autour du sujet, c’est la proportion des choses. Les Flandres, par exemple, sont un mystère pour moi. C’est ma terre natale : viscérale, sensible, autrement dit sans raison. La caméra devient un microscope, un appareil qui se penche sur le sujet… J’ai besoin de la terre pour filmer les êtres humains. En les filmant, les Flandres rendent une part de l’existence humaine. Il faut une histoire parce que l’histoire est le mouvement naturel de nos vies où se tissent nos liens. La mise en scène est un tissage, la guerre de "Flandres" est l’expression de la lutte de nos désirs. »
Les paysages
« Quand on filme un paysage, il représente le climat intérieur du personnage. Je ne filme pas les Flandres, je filme l’intériorité du personnage. Quand vous avez un plan subjectif de Demester qui regarde le paysage devant sa ferme, on est à l’intérieur de Demester. Je ne filme pas les paysages comme un documentaire, je ne suis pas un cinéaste social, tout est mental et intérieur. »
Les personnages
« Mes personnages ne méditent jamais sur ce qu’ils font. Ils font, ils agissent, ils ne sont jamais en train de réfléchir à ce qu’ils sont. Quand je filme un visage, je veux que le spectateur ressente ce que le personnage sent. Rien ne passe par la parole. Le visage est l’expression, la caméra devient une sonde. A l’écran, cela devient une sorte d’alchimie entre le spectateur et le héros. Le spectateur est directement connecté à son cerveau et à ses émotions brutes. Quand mes personnages parlent, ils ne disent que le nécessaire. Au risque d’être caricatural, quand un acteur dit : "Ben au revoir, je m’en vais", c’est utile : s’il partait en ne disant rien, il ne serait pas poli. »
Les comédiens non-professionnels
« Les comédiens non professionnels sont acteurs et non interprètes : c’est dans l’action qu’ils donnent ce qu’ils sont. Dans un premier temps, je les choisis pour leur correspondance avec les personnages écrits. Ensuite, mon travail est d’atteindre la justesse d’être qui est propre à chacun. Ils ne lisent pas le scénario, ils jouent en gardant cette part d’eux-mêmes et de vérité qui leur appartient et que je désire. Ils sont imprévisibles. Je me règle sur eux, ils se règlent sur moi. Ensemble nous renonçons ou persévérons. Pour le rôle de Barbe, la cinégénie d’Adélaïde s’impose de suite. J’ai fait disparaître la Barbe du scénario, et me suis "initié" à la sensibilité d’Adélaïde pour l’accorder à l’action. Mais Adélaïde n’est pas Barbe. Les acteurs sont ainsi au cœur de l’ouvrage, je les porte et achève le récit en fonction de ce qu’ils donnent. »
Le sexe
« On me reproche la crudité des scènes de sexe. Mais le sexe, ça ne m’intéresse pas en soi. Je suis quelqu’un de très pudique, absolument pas pervers : si je filme la sexualité, c’est que j’ai l’impression que la sexualité est une expression. Quand je vois des corps comme ça, exposés, je trouve ça tragique : le mélange entre cet espèce d’amour infini et cette impossibilité de fusionner. Il y a une impuissance à pénétrer l’autre. L’amour c’est la fusion, mais on ne peut pas fusionner. Il y a quelque chose de tragique dans le sexe qui révèle l’immense solitude dans laquelle nous nous trouvons.»
La technique
« Je suis plus intéressé par les rapports de valeur de plans que par le fait de savoir si la caméra je la mets là ou là. Ce qui est important c’est le découpage, parce que le découpage c’est le rythme ; avec des images on arrive à faire du rythme. Et la position de la caméra elle est assez secondaire part rapport au rythme. C’est souvent au montage que je découvre des possibilités : quand je prépare mon film, je n’ai pas une conscience claire des différentes étapes ; c’est au montage que tout s’écrit. Durant le tournage et le montage, je travaille à retrouver le sensible, à dissoudre le scénario qui demeure une vue de l’esprit. »
La réalité et le spectateur
« Je ne veux pas construire, je détruis et je déforme. Dans cette déformation arrive l’expression. Si je ne déformais pas, le spectateur verrait la réalité telle qu’elle est mais cette réalité ne lui apprendrait rien. Le cinéaste doit tordre le réel pour le déformer ; quand on le tord c’est le spectateur qui est compressé, remis en question. J’essaye de garder ce qu’on pourrait appeler un semblant de vérité, une apparence : le naturalisme des décors, des sons et des acteurs, mais tout le reste est faux, d’où cette impression d’incongru. »
Les doutes
« Lorsque je tourne un film, il y a quelque chose qui se passe et qui me dépasse complètement. Je fabrique et puis c’est tout. Et c’est pour ça que je suis curieux des réactions des spectateurs ; certains me donnent une clé et me viennent me voir en me disant des choses qu’ils ont vues mais que moi je n’avais pas vu. Ca, c’est le plus formidable. On me dit : vous filmez les gens de haut. Filmer de haut, c’est donner des leçons, imposer au spectateur sa vision, son histoire, sa fin, lui donner des archétypes. Je fais mon travail de cinéaste, le spectateur fait son travail de spectateur, c’est un équilibre, une égalité. »
Présenté le 23 Mai au festival de Cannes, le film y obtient le Grand Prix, juste derrière la Palme d’Or de Ken Loach pour Le vent se lève.
ninteen
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