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Production : HBO Films Réalisation : Gus Van Sant Scénario : Gus Van Sant Montage : Gus Van Sant Photo : Harris Savides Format : 35 mm, SRD Distribution : MK2 Musique : Thurston Moore (consultant ) Directeur artistique : Tim Grimes Durée : 97 mn
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Ricky Jay : le détective
Nicole Vicius : Nicole
Scott Green : Scott
Asia Argento : Asia
Lukas Haas : Luke
Michael Pitt : Blake
Harmony Korine : le type dans la boîte
Kim Gordon : la représentante de la maison de disque
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Last Days (Last Days)
Sélection officielle - Compétition
USA / sortie le 13.05.05
Le onzième film de Gus Van Sant est aussi la fin d'une trilogie, embrayée avec Gerry (2002) puis Elephant (2003, Palme d'or au Festival de Cannes). C'est aussi une oeuvre dédiée à Kurt Cobain.
Cobain, Nirvana et le Grunge
Leader du groupe Nirvana, Cobain (1967-1994) était un être dépressif (le divorce de ses parents et l'univers de bûcherons dans lequel il vivait ne lui ont pas fait du bien), prêt à clamer "God is Gay" sur les murs d'une villes de ploucs. Le rock sera sa voie salvatrice. A 15 ans, il gratte de la guitare. A 22 ans, il croise Courtney Love. Enragé (contre son père, contre la société), il explose les guitares pour le fun et fonde différents groupes. Nirvana est évidemment le plus connu, le plus emblématique. De 1987 à 1994, le groupe a pu enregistrer quatre albums en studio : Bleach (600$ de budget), Nevermind, Incesticide, et In Utero. Nevermind comporte le tube planétaire Smells like teen spirit. Sorti sous le label de Geffen Records (David Geffen est le fameux G de DreamWorks SKG), il est dix fois disque de platines aux USA (tous les autres disques ont été au moins une fois platine).
Tandis que Cobain cherchait l'anonymat dès la sortie d'In utero, public et critique se précipitent sur ces airs et ses paroles en phase avec leur époque. Le Grunge est né. Le terme, qui englobait aussi bien une tendance dans la mode qu'une atmosphère musicale, est souvent couplé à la notion de bruit, d'un son spécifique, saturé de guitare. Si Nirvana fut le porte drapeau du genre, le Grunge a aussi vu triompher des groupes comme Pearl Jam, Sonic Youth, Soundgarden, Presidents of the United States et Alice in Chains. C'était avant tout une manière de combler des ventes de disques en baisse avec un phénomène générationnel et un style musical fourre tout. Entre la génération X de Douglas Coupland (segment marketing servant à expliquer le trauma des enfants de baby boomers) et crise économique, le début des années 90 a servi de terreau fertile à cette brutalité sonore. Cameron Crowe (Almost Famous) avait déjà réalisé un film sur cet esprit "grunge" dans Singles (1992). De l'overdose d'Andrew Wood (1990) à celle Wes Berggren (1999), en passant par le décès du chanteur d'Alice in Chains il y a 3 ans, le mouvement aura été imprégné de tragédie.
Celle de Kurt Cobain était sans doute la plus symbolique en 1994. Overdose, suicide ou assassinat, personne ne sait comment il est mort, le 5 avril 1994. Un mois avant il avait réchappé d'un coma suite à une présumée surcharge de drogue. Interné dans un centre de désintoxication, il s'évade et s'enfuit dans sa grande maison de Seattle. Il y est retrouvé mort, le 8 avril. Officiellement une balle dans le palais. Mais le dossier très flou et la passion pour les complots a fait naître d'autres rumeurs que le film de Van Sant confirment : la disparition d'Asia Argento, son absence sur toute la fin du film, peut se rapprocher des accusations visant Courtney Love, meurtrière potentielle.
Kurt Cobain, créateur de chanson exceptionnel, est mort à 27 ans, comme Janis Joplin, Hendrix et Jim Morrison, devenant Christ d'une génération.
Van Sant, Last Days et le cinéma
Gus Van Sant, cependant, n'a pas voulu faire un film biographique précis sur les derniers jours de Kurt Cobain. "La source d'inspiration de Last Days n'est pas tant l'événement en soi que l'interrogation sur ce qui s'est passé" précise le cinéaste. "Je crois que j'ai tout inventé. On n'avait pas beaucoup d'informations, à part ce qui était paru dans la presse populaire. Certaines personnes à Portland affirmaient savoir des choses sur Kurt, mais je voulais utiliser mon imagination pour créer l'histoire de Blake."
Mais, au delà, la mort du chanteur a eu une résonance particulière pour Van Sant : "Quand Kurt Cobain est mort, ses derniers jours ont exercé une véritable fascination. C'est un peu comme ce que je n'avais vécu pour River Phoenix quelque temps auparavant." Phoenix, son ami, son acteur fétiche, mort d'une overdose en sortant de boîte, quelques mois après My Own Private Idaho. Phoenix s'effondre en octobre 93, Cobain s'éteint 6 mois plus tard. "Je venais de vivre la dramatique expérience de perdre un ami proche. C'est un tel choc que l'on se souvient où on était quand on a appris la nouvelle. Cela donne toujours le sentiment qu'on ne plus revenir en arrière."
Le réalisateur commence à écrire son film. Quelques règles : huis-clos, absence de convention cinématographique, volonté de perdre le spectateur avec des questions non résolues. "Un homme était en crise, personne ne pouvait l'aider. Où était-il? Quels ont été ses derniers instants?" et finalement "Comment cela est-il arrivé?" Il mélange ses propres souvenirs, sa propre existence et nourrit son scénario de variantes dépendant des acteurs choisis, du hasard des rencontres. Ainsi le vendeur d'annonces de Pages Jaunes était un véritable VRP venu démarcher l'immeuble où se trouvait la production. De même, le fait que Michael Pitt soit aussi musicien a beaucoup contribué à l'univers musical du film. Ce sont les chansons de Pitt qui forment la trame sonore... Pas celles de Cobain. De même c'est un membre des Sonic Youth qui s'est fait enrôlé en consultant musical et un ancien assistant de Van Sant qui a été recruté pour jouer l'un des potes de Pitt.
Cinématographiquement, le réalisateur a été beaucoup moins fluctuant. "On a utilisé le même genre de pellicule que pour Elephant. On avait dans l'idée que la caméra suivrait les personnages sur de longues périodes, sans trop de coupes. De ce point de vue-là, ça devait ressembler un peu à Elephant." La narration puise ses influences dans les cinémas de l'Europe Centrale : "J'avais remarqué cette technique des retours en arrière dans Satantango, de Bela Tarr. Le réalisateur polonais Zbigniew Rybczynski fait aussi des choses intéressantes au niveau du temps dans son court métrage Tango."
La musique est plus qu'éclectique. Du Velvet Undergound (version Lou reed) aux Boyz II Men, en passant par un quintet en français dans le texte, Van Sant a tout autant travaillé le son. Il a aussi demandé à Pitt de se livrer à la création de deux airs charnières pour le film.
Pitt (Michael) n'a rien à voir avec Brad. Il a joué chez Larry Clark, John Cameron Mitchell, Barbet Schroeder, Bernardo Bertolucci, Faye Dunaway, Tom Dicillo, M. Night Shyamalan et Asia Argento (Le Livre de Jérémie), sa partenaire dans le film. C'est son second film avec Van Sant après A la Rencontre de Forrester. Il est aussi membre du groupe Pagoda, avec lequel il tourne entre deux films. On retrouve donc Asia Argento, Scott Green et Lukas Haas (au parcours prestigieux : Weir, Burton, Allen, Costa Gavras, ...). Haas a récemment joué avec le groupe Outkast et Macy Gray, en concert.
Le film est présenté en Compétition officielle. Il sort simultanément en salles.
vincy
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