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| Production : Ognon Pictures
Réalisatrice : Sandrine Veysset
(Yaura-t-il de la neige à Noël ?)
Scénario : Sébastien Régnier et
Sandrine Veysset
Photo : Hélène Louvart
Montage : Nelly Quettier
Son : François Morel
Durée : 97 mn |
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Valérie Donzelli (Martha)
Yann Goyen (Reymond)
Lucie Régnier (Lise) |
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Martha, Reymond son mari, et Lise leur fille, vivent péniblement en vendant des fripes sur les marchés de la France
profonde. Marquée par la noirceur d'une enfance-cauchemar, Martha est une jeune femme instable qui supporte mal
son rôle de mère. Comment peut-on s'aimer soi-même et aimer en retour quand on a grandi sans amour ? |
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"Martha..Martha" est le troisième film de Sandrine Veysset, réalisatrice discrète et talentueuse reconnue dès son
premier long-métrage ("Y aura-t-il de la neige à Noël ?" ") pour son approche intimiste et cruelle de l'enfance et du
monde rural.
Après des études en Arts Plastiques, Sandrine Veysset rencontre Leos Carax et participe à la conception des décors
des "Amants du Pont-Neuf". Cette première expérience au cinéma lui offrira l'opportunité de travailler sur différents
films, jusqu'à ce quelle écrive et parvienne à réunir les fonds pour tourner "Y aura-t-il de la neige à Noël ?" en 1996,
lequel remportera un large succès critique et populaire.
Suivra ensuite le plus décevant "Victor, pendant qu'il est trop tard" et enfin "Martha..Martha", qui vient de
remporter l'assez prestigieux Prix Fipresci.
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Panne d'enfance
"Enterrer le passé, c'est une tradition dans la famille.."
Sandrine Veysset nous livre un joli diamant, noir opaque une fois de plus, et terriblement coupant, qui clôt
définitivement nous prévient-elle son triptyque sur les traumatismes de l'enfance. Belle réussite et approche double de
ces blessures de gosse puisque la réalisatrice se penche sur le sort peu enviable de cette jeune femme qui revit
dangereusement l'enfance insouciante qu'on lui a volée, et sur celui de sa fille, Lise, qui souffre des débordements
caractériels et impulsifs de sa mère. Passé trouble, miroir à double face, l'histoire se répète inlassablement avec les
mêmes erreurs qui laisseront des traces irréversibles dans le coeur de la petite fille.
Pourtant, Martha est une victime elle aussi. Elle cache un lourd secret de famille que Sandrine Veysset ne fera
qu'effleurer finalement, lors de courtes vacances passées par l'héroïne chez sa soeur en Espagne, laquelle n'était pas
vraiment enthousiaste à l'idée que Martha vienne remuer le passé boueux qu'elle essaye d'oublier.
Bouleversante de vérité, Valérie Donzelli accomplit une performance remarquable en interprétant Martha. Elle est
véritablement inquiétante en femme irresponsable, imprévisible, parfois cruelle et surtout égoïste, même avec sa propre
fille. Bien qu'anecdotique, la scène dans laquelle elle joue au Monopoly avec Lise est représentative du fossé entre le
comportement de Martha et celui qu'un enfant peut attendre d'une maman. Le désir de gagner qui anime Martha est
d'une intensité malsaine.
Cette actrice trop rare, au jeu sombre et terrible, nous renvoie à travers chaque regard toute la noirceur d'une enfance
qui a brisé son personnage et qui l'a noyée à tout jamais.
Noyée, c'est d'ailleurs sous le signe de l'eau que semble flotter le film, autant au niveau formel que narratif. De la
piscine dangereuse pour les enfants, à la rivière où manque de se noyer Lise sous le regard figé de sa mère, en passant
par le torrent qui embrasse la maison et l'étang dans lequel s'enfonce et disparaît le sosie fantomatique de Martha,
l'ensemble du film est porté par l'élément aquatique qui ensevelit plutôt qu'il ne porte en surface. Seule la caméra
semble se porter à flot. Aussi présente et proche que discrète, elle révèle avec justesse le profond malaise que
ressentent les acteurs au travers leurs personnages, tous les trois irréprochables et dirigés avec finesse.
Vous l'aurez compris, "Martha..Martha" n'est pas un film réjouissant, c'est un film terrible, un drame mental violent et
dérangeant. Il n'y a plus d'avenir pour Martha, aux prises avec ses fantômes qui l'entraînent vers le bas, qui la poussent
à disparaître elle aussi, comme son passé trop lourd à porter. Terrible, terrible et magnifique, comme un filet de lumière
noire.
Romain- |
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