1996 Secrets & Lies de Mike Leigh (R.Unis) Gros plan sur l'année 1996 Les Prix et Jurys

Premier regard, première impression: Secrets and Lies est un film conventionnel. Il s’attarde simplement aux chassés-croisés des personnages qui se meuvent dans une structure narrative linéaire. Techniquement, Mike Leigh explore les avenues traditionnelles d’un mélodrame typique, mais la sobriété volontaire de sa technique permet de laisser toute la place à sa direction d’acteur. Malgré ses apparence de réalisme , Secrets and Lies se situe davantage comme un exercice de style hautement sophistiqué. Il utilise les techniques cinématographiques communes et les redéfinit afin de leur donner une signification particulière. Par exemple, son utilisation du champ contre-champ classique qu’il rend délibérément apparent afin de diviser physiquement et psychologiquement ses personnages. Le récit de Secrets and Lies est fragmenté en parties distinctes qui se retrouvent dans un point culminant. On retrouve donc une ophtalmologiste noire désirant connaître sa mère biologique qui elle-même ne supporte plus sa fille. Parallèlement, l’histoire d’un photographe et sa femme lassés de leur mariage. Le tout brossé dans un univers quotidien artificiel, faux et outrancier. Le cinéma de Mike Leigh ne repose peut-être en rien sur un formalisme enivrant. En fait, sans parler de «réalisme», Leigh film toujours avec un immense souci de sobriété qui dégage l’inquiétante seconde nature qui se cache souvent derrière la surface des choses. Cependant, Mike Leigh s’attarde davantage à chercher la matière première que peu dégagé un acteur (comme c’est souvent le cas dans ses films) dans la quintessence de son jeu. Comme par exemple lorsqu’une séquence repose sur un plan de dix minutes sans mouvement de caméra, sans musique de fond et sans repères graphiques intéressants à part les deux actrices en avant plan et qu’il y a une orchestration maximal des émotions. La force de l’interprétation dépasse tout et s’accomplit encore plus en raison de la simplicité technique. Le talent de Mike Leigh s’était enfin fait connaître internationalemment surtout grâce à Naked (prix de la mise en scène et prix d’interprétation de David Twewlis à Cannes en 1993). Secrets and Lies a poursuivi la lancée du film précédent en décrochant deux récompenses bien méritées à Cannes en 1996 (Palme d’Or et prix de l’interprétation féminine pour Brenda Blenthyn). Il est donc évident que Mike Leigh a atteint la maîtrise parfaite de son talent ; la direction d’acteur et la mise en scène.

Steve Rioux