1967
Blow up de Michelangelo Antonioni (Italie) |
Michelangelo Antonioni se mérita avec Blow-Up la Palme d’or de 1967. Sans doute pour son aspect «in» londonien, ce fut le premier et l’un de ses rares films à remporter un certain succès commercial. Pourtant, dans sa substance philosophique et sa rigoureuse complexité formelle, Blow-Up se présente comme une oeuvre très difficile à avaler, mais combien fascinante lorsque l’on s’engage dans le questionnement proposé par l’auteur.
Un photographe suit un couple dans un parc. La femme accourt et lui demande, nerveuse, le rouleau de pellicule. Il lui répond que la lumière est magnifique. Au développement, il croit discerner une arme dans les feuillages, puis un corps au sol. Un «blow-up», c’est l’agrandissement d’une image, mais plus on agrandit, plus le grain grossit, l’image n’est plus nette et toute représentation objective de la réalité s’envole. C’est ce qui concerne Antonioni, la surface des choses et ce qu’elles sont réellement, impossible à saisir, sous les apparences. Le film est d’une rare beauté, mais très subtilement, sans feu d’artifice. Encore une fois le cinéaste emploie les couleurs dans une projection psychologique et subjective, au-delà d’un simple support narratif et métaphorique. La plupart des plans sont soigneusement composés en profondeur, illusion (comme tout le reste) de profondeur bien sûr, Antonioni en est conscient, mais qui cadrent un protagoniste aux prises avec le même problème que lui : saisir la réalité avec un médium en deux dimensions. Aussi le réalisateur disait qu’il espérait ainsi établir une distance entre les objets et les personnes. Distance qui existe aussi entre le spectateur et le personnage principal, ce dernier attirant peu de sympathie par son caractère froid et imprévisible au premier abord. Mais là n’est pas la question, le film ne cherche pas à nous associer facilement au personnage pour voir le monde comme lui, il présente une vision du monde qui est celle de l’artiste, alors la caméra n’est pas vraiment là pour nous renseigner sur le personnage et nous en approcher, mais surtout pour questionner les liens fondamentaux entre celui-ci et le monde qui l’entoure. Dans un 20e siècle remué par l’art moderne, auquel le cinéma a résisté dans toute ses conceptions classiques, Antonioni est l’un des seuls artistes du long métrage à la conscience moderniste, puisqu’il a compris qu’il ne peut s’en remettre à ce qui est vu et que toute cohérence du réel est formée dans l’esprit. |
© Volute productions 1997
© Hors Champ 1997