Un certain regard
East Palace, West Palace
de Zhang Yuan (France - Chine)


Production: Quelqu'un d 'autre productions - Amazon Entertainment
Casting:Si Han, Hu Jun


Synopsis:
De nombreux raids de la police chinoises interrompent les flirts physiques des homosexuels de Beijing, dans un parc local. L'un d'eux se fait - avec un certain consentement - prisonnier du policier de garde.
Garde vue nocturne, pendant laquelle s'installera la découverte d'un homme, qui conduira l'autre à une remise en question.

Article
Question à Zhang Yuan
Communiqué de presse



Garçon Maudit
L'homosexualité et ses troubles étaient déjà présent dans l'unique Palme d'Or chinoise Adieu ma concubine. Mais jamais elle n'avait été un sujet aussi central.
Le réalisateur aime zoomer sur la marginalité de sa société : qu'ils soient enfants inadaptés, ados délinquants, ou donc jeunes homos. Si l'on ajoute cette obstination à se passer des subventions de son pays, on peut considérer qu'il est l'un des leaders du cinéma indépendant chinois.
Son film est maîtrisé. Il puise son inspiration dans la culture chinoise, mais son sujet - et la manière dont il est traité - est assurément moderne. Loin du thriller malgré les aspects d'une enquête de police, on est plus proche d 'Une pure formalité de Tornatorre que de Garde à vue de Miller. La première image explique les w.c. pour hommes puis bascule vers un parc bucolique. Pas de doute on traversera la perversité, le sadomasochisme, les souffrances de l'enfance, les humiliations et le romantisme, l'amour, qu'il soit érotique ou passionnel, ou même intéressé.
Le flic jugera ça "abject", au nom de la pensée du régime.
Tout le film explique deux itinéraires : un qui sait ce qu'il est mais qui ne peut pas en parler. L'autre qui va vouloir écouter et qui doute de ce qu'il est venu chercher.
Les deux hommes se reflètent et montre tant l'homosexualité innée que celle dîte acquise. Le film montre toutes ses ombres, ses luttes intérieures, cette résistance d'hommes contre ce régime qui les considère anormaux.
Et l'attrait devient de plus en plus irrésistible. Jeux de menottes, jeux de vilains. La torture devient amour supplicié. A la fin ce n'est plus une histoire chinoise. C'est tout notre schéma de tabous qui explose, avec la remise en doute totale du géolier.



Question à Zhang Yuan (via dossier de presse)
- Comment avez-vous été intéressé par ce sujet ?
D'abord j'ai commencé à m'y interesser en lisant des articles sur l'homosexualité d'aujourd'hui en Chine, dans le journal Life news, au début des années 90. Un des articles concernait les efforts d'un institut de recherche sur le SIDA qui tentaient de trouver des hommes gays à Beijing.
Ils ont fait quelque chose de réllement stupide. Ils ont été dans un poste de police dans un parc et la police a embarqué les hommes qu'ils croyaient homos, et en train de draguer.
Puis ils ont fait des enquêtes pour obtenir les infos que les chercheurs voulaient. (...) En fait j'ai été intéressé par ce sujet pendant longtemps, parce que je pense que l'homosexualité est peu comprise, et spécialement en Chine. (...)
Peu importe que l'on soit gay ou non, nous devons reconnaître que c'est une émotion humaine.

Extraits du communiqué de presse de Quelqu'un d'autre productions
Notre réalisateur, Zhang Yuan, ne pourra pas venir présenter son film East palace, West Palace, dans le cadre de la Sélection Officielle du Festival de Cannes, Un Certain Regard. Les autorités chinoises ont purement et simplement confisqué son passeport, sans aucune justification, l'empêchant de fait de se rendre à Cannes, et ont fait pression sur le Bureau du Festival pour que son film soit retiré de la sélection officielle. (il est arrivé en une seule copie, par valise diplomatique).
(...)
Le film a pourtant été tourné à Pékin en toute légalité. Remarquons que le tournage proprement dit a été en majeure partie financé par Zhang Yuan lui-même, marquant ainsi clairement sa position d'indépendance vis-à-vis des Studios Officiels chinois. Une fois tourné, les rushes ont été envoyés en France et le montage du film s'est effectué à Paris avec le concours de notre société de production, et a bénéficié d'une aide du Ministère des affaires étrangères français.

Le film ne comporte aucune scène violente ou susceptible de choquer la sensibilité d'un public français ou chinois. Il ne comporte pas la moindre allusion ou la moindre critique à l'égard du système politique chinois .
(...)
Cette réaction négative et coercitive à l'égard du film et de son réalisateur est d'autant plus surprenante que le film n'a jamais été projeté en Chine et qu'il n'existe qu'une seule et unique copie du film en circulation, celle qui sera présentée à Cannes. Nous doutons fortement que les autorités chinoises aient pu visionner le film. En ce sens la mesure de rétorsion qui frappe Zhang Yuan est encore plus surprenante et apparaît encore plus punitive et préventive.

Zhang Yuan n'a d'autre part jamais revendiqué l'étiquette de " dissident ".
(...)
Les autorités chinoises font preuve d'un esprit dangereusement rétrograde, en frappant l'une des trop rares productions franco-chinoises. (...) Le cinéma chinois est à l'agonie : en 96 sur près de 150 films qui ont été produits en Chine, seuls une douzaine ont reçu leur visa de censure et ont été autorisés à être projetés publiquement.
(...)
A la veille du voyage de Jacques Chirac en Chine, nous estimons que cet incident est également très regrettable pour les relations amicales entre les deux pays, et fait douter de cette fameuse volonté d'ouverture, si souvent proclamée par la Chine.

Christophe Jung, Christophe Ménager


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