1974
La conversation
de Francis Ford Coppola
(E.Unis)

Gros plan sur l'année 1974
Les Prix et Jurys

Si 1970 signalait le retour en force du cinéma américain à Cannes, avec la Palme d'or accordée à M.A.S.H. de Robert Altman, on peut dire que les lauriers décernés à The Conversation en 1974 endossaient également le travail de renouveau du cinéma américain qu'avaient entrepris ces jeunes hommes barbus venus de l'Amérique, gentiment affublés du sobriquet de movie brats (soit les rats de cinéma, comme dans l'expression rats de bibliothèque!). Les réalisateurs de ce groupe, tous dans la trentaine, s'appellent Martin Scorsese, George Lucas, Brian De Palma, John Millius et Steven Spielberg. Après s'être imposé à Hollywood avec The Godfather, qui a récolté six Oscars et est devenu le plus grand succès commercial de son époque, Francis Coppola a en quelque sorte préparé le terrain européen pour ses confrères.

The Conversation représente parfaitement l'effervescence créatrice qui animait non seulement Coppola, mais également tous les movie brats de cette période mouvementée, tant pour l'industrie cinématographique américaine que pour la société elle-même. Les États-Unis sont en effet plongés jusqu'au coup dans le scandale du Watergate lorsque The Conversation s'impose à Cannes. Sorte de variante sonore sur l'idée centrale de Blow-up, l'oeuvre magistrale de Michelangelo Antonioni, les bandes magnétiques se substituent ici aux agrandissements photographiques. Le film de Coppola relate les tribulations d'un expert en écoute électronique, Harry Caul (Gene Hackman), qui a malgré lui enregistré une conversation laissant supposer qu'un meurtre sera bientôt commis. À travers l'angoisse terrifiante d'Harry Caul, Coppola met en relief la méfiance paranoïaque des Américains envers leurs institutions (la CIA, l'armée, le FBI) et leur gouvernement.

Le film révèle un Coppola aussi à l'aise et brillant dans un film modeste que dans une fresque hollywoodienne à gros budget. Sa réalisation est d'une rigueur et d'une cohérence exemplaires. Il a su s'entourer de comédiens talentueux tels que Robert Duvall, Frederic Forrest, John Cazale, Allen Garfield et même Harrison Ford qui, avec Gene Hackman, constitue l'un des casting les plus solides jamais réunis pour un seul film. La scène où Hackman, Ford et Duvall s'affrontent donne encore aujourd'hui des frissons dans le dos.

Mais surtout, Coppola a fait confiance à son plus important collaborateur, Walter Murch, le monteur et le génial concepteur de la bande sonore. Si le montage de l'image atteint déjà des sommets de complexité, ce n'est rien comparé au travail sonore qu'il a accompli. Comme il l'avait fait avec American Graffiti l'année précédente et comme il le fera par la suite avec The Godfather, Part II et Apocalypse Now, Walter Murch a repoussé les limites de l'utilisation du son au cinéma, tout en éduquant le public sur ses fascinantes possibilités. Son travail exceptionnel sur The Conversation a sans doute, plus que tout autre élément, contribué à retenir l'attention du jury de Cannes. On ne saluera jamais assez la vaste contribution de Walter Murch à l'art du montage et de la conception sonore. D'ailleurs, il est à l'origine du titre "sound designer", inscrit pour la première fois au générique d'un film dans Apocalypse Now.

André Caron


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