1954
La porte de l’enfer de Teinosuke Kinugasa (Japon) |
On peut se poser certaines questions sur l’attribution de la palme d’or de 1954 à La porte de l’enfer.
Ce film japonais plutôt impersonnel est bien loin de valoir les chefs-d’oeuvre de Kurosawa, Mizoguchi et Ozu datant de la même époque, et demeure inférieur à Une page folle (1926), cet autre grand film de Kinugasa. Certes, il est difficile de rester insensible aux tons orangés et pourpres qui dominent des images savamment composées. Quelques mouvements d’appareil retiennent également l’attention. Cela ne suffit toutefois pas pour masquer certains raccourcis scénaristiques douteux et la banalité d’une histoire racontée sans grande passion, comme si l’esthétisme du film prenait le pas sur l’émotion. La scène de bataille qui ouvre le film est par ailleurs tournée sans grande conviction, bien en deçà de ce qu’accomplira au même moment Kurosawa avec ses Sept samouraïs. De plus, les scènes de studio qui recréent très artificiellement des environnements naturels détonnent comparativement aux véritables extérieurs du film. On pourrait bien sûr argumenter que ce parti-pris d’artificialité était délibéré de la part de Kinugasa. L’artificialité n’est cependant pas toujours synonyme de stylisation. Alors que la stylisation théâtrale servait admirablement l’invention créatrice de La ballade de Narayama (1958) de Kinoshita, l’artificialité de La porte de l’enfer n’en fait ni plus ni moins qu’un "«film-kimono», un admirable «produit de confection» exotique pour Européens esthètes" (Max Tessier). |
© Volute productions 1997
© Hors Champ 1997